On dit souvent, dans les débats politiciens en France, que l’Union européenne est libérale, « ultra » ou « néo » selon que l’on fustige son extrémisme ou sa déviance par rapport à un libéralisme originel qu’on se garde bien de définir.
Cette analyse est l’une des choses les mieux partagées entre les partis français, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot au Front national (FN) de Marine Le Pen, en passant par le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, les Verts, le Parti socialiste et une bonne part de l’UMP.
Il semble toutefois que cette idée reçue ait peu de lien avec la réalité factuelle : on apprend en effet aujourd’hui que la Commission européenne, sous l’impulsion de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Nicolas Sarkozy (eux aussi qualifiés d’« ultralibéraux » par leurs opposants nationaux…), invite les pays qui pratiquent un « faible » impôt sur les sociétés par rapport à d’autres pays à relever ledit taux d’imposition.
Est dans le collimateur l’Irlande, dont l’impôt sur les sociétés est de 12,5 %, mais aussi Chypre, le Luxembourg, la République tchèque et la Slovaquie.
Cette demande est justifiée à Bruxelles et à Berlin par le fait que l’Irlande, hyperendettée, a fait appel au Fonds européen de stabilité financière à l’automne dernier, après la Grèce au printemps 2010. On aurait pu attendre d’une Union européenne « ultralibérale » qu’elle demande en priorité à l’Irlande de couper dans ses dépenses publiques, mais c’est la recette qui est privilégiée. Le motif est d’ailleurs moins clair qu’une simple question d’orthodoxie budgétaire. Si Paris pousse pour que la très compétitive (malgré la crise) Irlande augmente son impôt sur les sociétés, c’est parce qu’il est bien plus fort en France : 34,4 %, soit près de trois fois plus ! Le gouvernement français escompte ainsi pouvoir attirer les sièges sociaux des multinationales qui préfèrent la Verte Érin à l’Hexagone. Plutôt que d’abaisser l’impôt français sur les sociétés, notre gouvernement préfère parler de « dumping fiscal » ou de « concurrence déloyale », expressions fidèlement reprises par Le Figaro, lui aussi qualifié par les médias proches de l’opposition… d’« ultralibéral ».
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