March 2nd, 2011 at 18:44 by Magali Tardivel-Lacombe
Où l’on constate que le plus grand pays arabophone n’est pas encore un géant de l’édition…
Ce triptyque d’articles sur l’édition en Egypte est issu de mes discussions avec Sherif Bakr (éditions Al-Arabi, Arab Academy for Professional Publishing), Heba Salama (éditions Book House), Ali Hamed (éditions Sanabel) et Balsam Saad (éditions et librairie Al-Balsam) au Caire.
En Egyptecomme en Inde, l’association des éditeursne fournit aucune donnée chiffrée sur le marché du livre. Les seules informations disponibles ont étérassemblées par la Foire du Livre de Francfort.
L’éditeur, libraire et agent littéraireSherif Bakraffirme sans hésiter : “Les éditeurs arabes ne savent pas, ou ne veulent pas travailler ensemble, même dans l’hypothèse où le but serait de s’associer contre leurs gouvernements!” De ce fait, nos interlocuteurs égyptiens, tous rencontrés par l’intermédiaire de Sherif, ont plutôt tendance à évoquer des faits précis, des anecdotes personnelles, des ressentis individuels, qu’ils définissent souvent comme représentatifs de la situation générale. L’impression qui en ressort, c’est que la production livresque égyptienne est riche, mais que l’accès au livre reste problématique.Non seulement les livres restent une denrée chère pour les Egyptiens, mais en outre, avance Sherif, les acheteurs acquerront plus volontiers un ouvrage qui leur permettra, par ailleurs, d’économiser : “Par exemple, puisque le cours d’informatique coûte plus cher que le manuel d’apprentissage, le manuel se vend bien”. On remarque toutefois des phénomènes de mode qui ignorent ces savants petits calculs d’homo oeconomicus. Ainsi, en 2008, les “bloggers books”, c’est-à-dire des livres issus de blogs sur Internet, avaient le vent en poupe.
Dans cette lignée,I want to get Married, où Ghada Abdel Aal racontait avec beaucoup d’humour ses mésaventures amoureuses et ses tentatives de mariage, a été réimprimé six fois en 18 mois à peine, avant d’être adapté pour le petit écran. Mais comme tous les phénomènes de mode, on ne saurait prédire aux “bloggers books” un long avenir (seul ce dernier nous dira si j’avais raison de croire que cette mode serait éphémère…).En général, les titres qui reflètent l’identité et le quotidien arabes semblent également séduire un large lectorat. Heba Salama, éditrice àBook House, a donc eu une idée de génie lorsqu’elle a imaginé un livre de mode sur les foulards islamiques : “Je voulais montrer que, même quand on porte le voile, on peut être coquette et inventive. C’est donc un beau livre dans lequel sont expliquées et photographiées différentes manières de nouer le foulard”. L’ouvrage a même été traduit en allemand, bénéficiant à sa parution du succès d’un défilé de mode organisé à la Foire de Francfort 2010 ! Plus classique, le recueil de nouvelles Koshary(du nom d’un plat égyptien à base de de riz, lentilles, pois chiches, macaroni, le tout surmonté d’une légendaire sauce tomate et d’oignons frits) a été vendu à 6 000 exemplaires. Un succès inattendu… sauf que les nouvelles parlent de l’Egypte d’aujourd’hui. CQFD ?
Dans le deuxième volet de ce triptyque, il sera question de projets alternatifs, de droits d’auteur et de l’éternelle question du réseau de distribution…
Source et suite : http://www.frankfurter-buchmesse.eu/magali/2011/03/02/un-sphinx-aux-pieds-dargile-13/