Qu’est-ce qui vous a le plus frappée au cours de cette enquête ?
L’évidence est que de l’état des sanitaires à l’école dépend l’état de santé des enfants : sur les 24 781 élèves de CM1 et CM2, 18,8 % disent avoir été chez le médecin pour des problèmes urinaires ou de constipation, en grande majorité des filles (23,1 % pour 14,7 % de garçons). La moitié des élèves disent utiliser les toilettes occasionnellement, quand ils ne peuvent faire autrement. Sans parler évidemment des accidents corporels : pendant l’année 2005-2006, 298 accidents dans les sanitaires ont été recensés pour les élèves du CP au CM2, en majorité aux heures de récréation ou de repas, et la plupart de ces accidents ont demandé une consultation médicale. Membres supérieurs, doigts, tête, face, dents, plaies, sectionnements, etc, ce ne sont pas des tout petits bobos.
On parle donc d’un problème de santé publique ?
Oui, il est juste de penser que les 18,8 % d’enfants qui ont consulté pour ces problèmes ont dû subir plusieurs analyses, des traitements antibiotiques, parfois des examens d’imagerie. Je me souviens d’une conférence en 1999 du professeur Michel Averous, pédiatre et urologue au CHU de Montpellier, qui intervient aussi dans le rapport sur le thème «troubles mictionnels, infection urinaire de la fillette et école : attention danger». Il relatait le cas de la petite Julie, 8 ans, atteinte d’une infection urinaire chronique, parce qu’elle a appris progressivement à se retenir à l’école : la porte ne ferme pas, il n’y a pas de papier, une copine doit tenir la porte, on n’est pas à la maison. Et le professeur conclut que cette pathologie représente un tiers des consultations en uropédiatrie, que cela pose un réel problème de santé publique. Tout comme le docteur Lenoir, médecin de l’Education nationale qui a étudié «l’incontinence urinaire de la jeune fille nullipare : état des lieux dans un collège», expliquant la fréquence de problèmes urinaires par l’état déplorable des toilettes des établissements observés pour son enquête.
Que peut-on faire pour améliorer cette situation ?
L’équipement des sanitaires est capital : il doit y avoir du papier toilette, de quoi se laver et s’essuyer les mains. Ce n’est pas toujours le cas pour des raisons que l’on peut comprendre, le gaspillage, entre autres. L’entretien des locaux, aussi, relevant de la compétence des personnels et du devoir des élèves de les garder propres. Aux élèves aussi de respecter l’intimité des autres. Il faut améliorer la surveillance, aussi, devenue délicate à cause des problèmes de responsabilité qui se posent aujourd’hui, je pense aux questions de pédophilie. Enfin, l’accès aux toilettes doit être facilité, y compris pendant les cours.
Le rapport explique clairement que c’est aux enseignants, aux parents de se sensibiliser sur cette question.
Oui, le sujet des sanitaires ne doit plus être un sujet tabou. Aux enseignants de veiller au fil de la journée à l’état des lieux, qui doivent être propres, filles et garçons séparés. D’inciter les enfants à y aller à chaque récréation, de les laisser sortir facilement aux heures de classe. Les enfants ne doivent jamais passer une matinée ou une après midi sans aller aux toilettes, et vider complètement leur vessie. A la maison, les parents doivent observer leurs enfants : ont ils au ventre après l’école ? Vont-ils très vite aux toilettes en rentrant ? Et à tous d’enseigner aux enfants à aller régulièrement aux toilettes. Comment être attentif en classe quand on se retient et qu’on a mal au ventre ?
Recueilli par EMMANUELE PEYRET - http://www.liberation.fr/