Le fougueux député socialiste s’attaque à Goliath à deux semaines des élections cantonales et à un an de l’élection présidentielle. De l’aide que lui apporterait le PS dépendrait sans
doute le succès éventuel de la candidature socialiste en 2012.
Sa volonté de toujours s’approprier des combats sur l’intégrité politique malgré son propre clientélisme local, son besoin de tout centrer sur sa personne jusqu’à se croire un "leader" du PS, sa croisade contre la Ve République qui ne se résume qu’à changer de numéro, son
antichiraquisme puis son antisarkozysme primaires trop exubérants, ses discours contre le cumul des mandats qui s’accommodent de la compatibilité de son mandat de député avec son
mandat de président du Conseil général de Saône-et-Loire… bref, beaucoup de mauvaise foi qui font qu’Arnaud Montebourg n’est pas, restons dans l’euphémisme, ma tasse de thé.
Même l’éloignement de sa compagne des émissions politiques est désolant dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’être madame Soleil pour lui
prédire un plus grand potentiel de carrière que son compagnon ; c’est d’ailleurs un résidu de sexisme de toujours laisser l’homme s’épanouir professionnellement au détriment de la femme dans
un couple (cas également de Dominique Strauss-Kahn).
Pourtant, en mettant à jour une situation locale pleine d’interrogations, ce que beaucoup de petites mains de la politique marseillaise
connaissent depuis longtemps, Arnaud Montebourg semble avoir trouvé là un combat
politique courageux qui va bien au-delà de sa propre personne.
Une vie consacrée à la politique
Devenu avocat après son échec au concours de l’ENA, Arnaud Montebourg est député depuis le 12 juin 1997 (élu à l’âge de 34 ans) dans la circonscription voisine de celle de Pierre Joxe et président du Conseil général de Saône-et-Loire depuis le 19
mars 2008, mandat qu’il remet en jeu les 20 et 27 mars 2011.
Très vite, il se spécialise comme le "cheval blanc" et l’homme franc du Parti socialiste, quitte à agacer ou gêner Lionel Jospin (lorsqu’il est Premier Ministre), Ségolène Royal (lorsqu’elle est candidate) et Martine Aubry (depuis qu’elle est première secrétaire du PS).
Il affiche son combat contre les magouilles en politique dès les premiers mois où il a gagné son siège à l’Assemblée Nationale. Il s’en
est pris excessivement au Président de la République Jacques Chirac au
point de gêner le gouvernement socialiste de cohabitation.
En juillet 2006, il renonce à se présenter à la primaire socialiste (par manque de soutiens) et soutient la candidature de Ségolène Royal
(en faisant quelques boulettes). En 2009, il a réussi à convaincre Martine Aubry d’organiser une primaire ouverte à toute la gauche, afin de casser les cuisines locales très opaques du parti.
Avec une arrière-pensée : y participer. Il confirme effectivement sa candidature le 20 novembre 2010.
Nettoyer les mauvaises fédérations
Il n’hésite pas à se retourner contre le PS dès lors qu’il a acquis la certitude qu’il doit conquérir l’appareil. En février
2006, il est parmi les premiers élus socialistes à demander à François
Hollande (premier secrétaire du PS) de faire le ménage dans la fédération de l’Hérault où sévit le roitelet Georges Frêche. La direction met près de quatre ans avant de prendre des mesures draconiennes, mesures prises par Martine Aubry non sans
arrière-pensée : si elle est candidate, il lui faudra défendre une candidature morale. Tans pis pour "l’ami Frêche".
C’est donc tout naturellement qu’Arnaud Montebourg demande à Martine Aubry de faire également le ménage dans les Bouches-du-Rhône. Il le
fait dans un rapport confidentiel qu’il remet à Martine Aubry le 8
décembre 2010 après avoir enquêté pendant six mois sur cette fédération (en rencontrant quelques élus locaux). Il dénonce beaucoup d’actions peu compatibles, selon lui, avec le socialisme qui
doit préserver une certaine éthique.
Le rapport comme un pavé dans le marigot socialiste
C’est une affaire visiblement très grave qui pourrait mettre en cause un système politico-financier très structuré fait de
chantage et de menace. Un système qui peut exister dans certains grands "fiefs" électoraux : avec leurs budgets, une mairie, un Conseil général ou un Conseil régional peuvent servir en effet
de lieux de pression sur les élus locaux et privilégier des intérêts privés.
Ce rapport est opportunément publié dans la presse (par "Le Point") à deux semaines des élections cantonales. Bien que s’en défendant, Arnaud Montebourg est
bien évidemment à l’origine de la fuite qui ne fait le jeu ni du PS ni de l’UMP. En revanche, dans le but de doper sa candidature, il peut ainsi se démarquer et se faire connaître.
Fort opportunément aussi, un autre rapport vient également de sortir dans la presse. Plus étayé (une vingtaine de pages), ce rapport rédigé par le sénateur de Seine-et-Marne Yannick Bodin
retrace les différentes cuisines électorales des Bouches-du-Rhône lors des votes du congrès de Reims en automne 2008. Ce rapport émane de proches de Bertrand Delanoë qui ont été sidéré de comprendre comment le PS avait organisé
sa démocratie interne en 2008.
Concrètement, il ressortirait qu’en novembre 2008, la fédération des Bouches-du-Rhône ait donné une large majorité à Ségolène Royal (dans
sa confrontation avec Martine Aubry), 73%. Mais le vote favorable à Martine Aubry de cent trente-six militants à deux heures du matin sur cent quarante dans une section favorable à Ségolène Royal
a jeté un trouble durable sur la sincérité d’un scrutin qui a départagé les deux candidates avec quelques dizaines de voix seulement.
Dans une lettre de
trois pages adressée à Martine Aubry datée du 6 mars 2011, Arnaud Montebourg rappelle l’urgence d’agir politiquement sur la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. Il trouve même
"désolant" et "blessant" que son rapport n’a abouti à aucune initiative de la part de la direction du PS.
Enjeu réellement national
Peut-être qu’Arnaud Montebourg avait quelques arrière-pensées à utiliser des situations locales un peu troubles si ce n’est
troublantes au moins troublées. Mais dans ce cas précis, en l’occurrence, il a pointé du doigt un élément essentiel de la démocratie représentative : l’intégrité morale des élus. Sur quoi
est fondée une partie de la cohésion nationale.
Ce n’est pas un hasard si la candidature de Marine Le Pen grimpe dans les sondages (le
second confirmant le premier chez Harris Interactive)
alors que Nicolas Sarkozy est au plus bas et que le PS demeure
incapable de devenir une réelle force d’opposition, avec un projet politique global et cohérent.
Le cancer de la
magouille politique semblerait sortir des clivages politiques classiques et aujourd’hui, quelques élus marseillais chercheraient à profiter de ce projecteur braqué pour faire écho aux
quelques timides témoignages déjà enregistrés.
Le 27 mars 2011, le Conseil général des Bouches-du-Rhône resterait probablement à majorité socialiste malgré son renouvellement. Si la
direction nationale du PS, donc, Martine Aubry, acceptait la reconduction de l’actuel président du Conseil général, nul doute que la présence d’un candidat socialiste au second tour de l’élection
présidentielle de 2012 serait largement hypothéquée.
Quant à Arnaud Montebourg, qu’il prenne bien soin de lui : remuer la mouise peut être très dangereux, surtout si elle est
explosive. Bon courage à lui dans ce combat qui le dépasse largement.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (9 mars 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le rapport Montebourg (à
télécharger).
La lettre de Montebourg à Aubry (à télécharger).
Le rapport Bodin (à télécharger).
La petite bête qui grimpe…
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-soldat-arnaud-montebourg-est-il-90203
http://fr.news.yahoo.com/13/20110309/tot-le-soldat-arnaud-montebourg-est-il-e-89f340e_1.html
http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-270