Lot 49 est une collection initiée par Christophe Claro, auteur, traducteur et désormais éditeur, à l'enseigne du Cherche Midi, une maison jusqu'alors pas vraiment réputée pour son avant-gardisme littéraire. Un entretien avec Claro et Mathieussent - lui aussi traducteur - paru je ne sais plus où - annonçait la couleur : les deux regrettaient que la structure économique de l'édition française empêchât que fussent traduits des ouvrages anglo-saxons difficiles (longs à traduire, difficiles à lire ; donc coûteux et peu susceptibles de rencontrer le succès public) et formaient le voeu de créer un lieu d'édition capable d'assurer la bonne réception française d'ovnis américains. L'affaire fut donc confiée aux bons soins du Cherche Midi qui publiait quelques mois plus tard Trois fermiers s'en vont au bal, de Richard Powers, avec un succès considérable. Pari fou, mais gagné.
Depuis, Lot 49 poursuit son chemin avec des réussites diverses : le très gonflant The Tunnel de William Gass, écrivain de pavés romanesques pour universitaires pervers ou le brillant Oméga mineur du belgo-ricain Paul Verhaeghen dont j'ai dit deux ou trois choses ici, et plein d'autres choses que je n'ai pas lues (je n'ai que deux yeux et j'aime bien dormir la nuit...).
Autres électricités est un bouquin étrange qui pourrait se présenter comme l'exact inverse de Moins que zéro d'Easton Ellis. Soit un récit fragmentaire et un rien halluciné d'un automne du nord américain dans un bled hanté par la mort accidentelle (?) de Liz, au retour d'un bal de promotion, un an auparavant. L'essentiel des récitants et protagonistes étant des adolescents du cru.
Techniquement, il doit s'agir d'un roman choral, mais j'éprouve quelques difficultés à employer ce terme en ce qu'il m'évoque une symphonie ou un truc plutôt bruyant en lieu de la succession de chuchotements qui constitue le livre. Des monologues intérieurs, ou des monologues tout-court qui tournent sans cesse autour de l'accident dont le récit jamais fait dessine en réalité le portrait d'un village enfoui sous l'ennui comme sous la neige. Un amoureux platonique, une conductrice de chasse neige, le fils d'un radio-amateur... Une white-trash engourdie, rêvant d'évasion mais rivée au lieu comme par une chaîne. La neige et la glace comme décor et comme métaphore.
C'est curieux de voir la puissance d'évocation que possède ce livre minimal qui traînait sur mon étagère depuis deux ans et que je me suis décidé à lire dimanche dernier, en quête d'un peu de bonne littérature, denrée rare sur ma table de nuit ces dernières semaines. C'est un livre triste mais infiniment séduisant.
Ander Monson possède un beau site web que je vous laisse découvrir, a publié de la poésie, aime les schémas électroniques et les choses cachées dans les choses.