Marine le Pen est un assemblage de tendances lourdes souvent anciennes qui font d'elle un phénomène qui mérite l'attention.
Quatre tendances expliquent l'actuelle poussée de Marine le Pen :
1) Elle incarne une "rupture" face au système politique français. C'est une attente ancienne. Cette logique a été à l'origine de la mode Ségolène Royal qui est apparue en 2006 comme une première forme de rupture notamment par la reconnaissance des valeurs féminines qu'elle incarnait.
Nicolas Sarkozy a ensuite surfé sur ce thème de rupture en cherchant même à se l'approprier de façon exclusive pour 2007.
2) La seconde tendance est justement la rupture par le "nouveau sexe de la politique". C'est là aussi un thème ancien. Ségolène Royal en France a été à l'avant-garde en 2006. C'est un thème qui a fait les élections intermédiaires américaines du 2 novembre 2010. Derrière cette approche, c'est une attente pour une place nouvelle du réalisme, du quotidien, du pacifisme, du sens pratique.
3) Le choix politique repose désormais sur une attitude davantage que sur une idéologie. A un moment donné, l'opinion se reconnait dans des comportements davantage que dans des programmes. Ce nouveau choix répond à la place nouvelle de l'image : parler à l'oeil davantage qu'à la raison.
Sur ce volet, la force de Marine le Pen résulte d'abord des faiblesses des autres camps politiques fondus dans une uniformité étonnante. La majorité présidentielle s'est installée dans des messages qui choquent l'opinion, l'irritent. Aujourd'hui, c'est la révélation de la voiture de fonction de C. Estrosi mais aussi l'image de C. Lagarde au défilé Chanel : autant de messages qui font naître un esprit de classe contre ces proches du pouvoir si éloignés de la vie quotidienne. Sur ce plan, Marine le Pen récupère d'abord les produits des erreurs des autres.
4) C'est le rejet d'une modernité qui angoisse, qui déclasse. Cette inquiétude entraîne un réflexe de défense qui passe par la mode de valeurs d'hier. L'avenir collectif inquiète et fait naître un devoir d'étape : remettre des valeurs à leur place avant d'affronter cette "nouvelle civilisation" qui fait peur.
Ce sont 4 tendances lourdes, anciennes. Il n'y a donc aucune raison pour qu'elles disparaissent rapidement.
Il y a seulement trois questions techniques :
1) Quel autre candidat peut leur donner un nouveau visage ?
2) Dans les actuels chiffres, la marge technique d'erreur est de 3 points. Cela peut signifier que Nicolas Sarkozy peut être devant Marine le Pen mais aussi que Marine le Pen pourrait être à 26 % et Nicolas Sarkozy à 18 %.
3) Il y a 35 % d'abstentions dans le sondage Louis Harris. C'est dire que l'ancrage à venir d'une forte partie de ces 35 % sera déterminant. Or a priori, il y a peu d'hypothèse pour qu'une large part d'entre eux rejoigne le camp présidentiel demain si ce n'est pas déjà le cas aujourd'hui. C'est dire que le tassement comparé du score de Nicolas Sarkozy est probablement encore plus important à terme que les présents écarts.