Loi du boomerang : le tir d’artillerie lourde contre DSK ressoude… le Parti socialiste et la gauche ! (V)

Publié le 09 mars 2011 par Kamizole

Phénomène physique parfaitement connu : après avoir touché sa cible, le boomerang revient avec la même force qu’il a été lancé… Au risque de se le prendre en pleine tronche si le lanceur est maladroit. La bande à Sarko n’ayant pas lésiné sur les moyens, l’outrance de leurs attaques tous azimuts contre Dominique Strauss-Kahn, potentiel rival de Nicolas Sarkozy en 2012 se retourne contre eux. Faut-y qu’ils soient cons ! Faut-y que Sarko ait les foies ! Pas même foutus de se rendre compte qu’en diabolisant l’adversaire, ils se tirent une balle dans le pied.

Paradoxalement, ils ressoudent le Parti socialiste et une bonne partie de la gauche derrière celui qu’ils présen-taient comme le parangon de la gauche «super-caviar» !

J’explique : DSK est sans doute le favori des sondages – plus ou moins selon les moments et précisément il connaissait un “trou d’air” au moment de l’attaque lancée par Christian Jacob qui a peut-être voulu en profiter : il serait tombé à 51 %, perdant 7 points – mais il est loin de faire l’unanimité parmi les militants du PS ce qui rendrait sans doute improbable sa désignation comme candidat lors des primaires. Il a néanmoins des partisans au sein du PS : notamment Cambadelis, Moscovici, Leguen et depuis peu Vincent Peillon qui aura décidément (comme Valls) bouffé à tous les râteliers !

Christian Jacob est aussi bête et méchant qu’il en a l’air sur les photos : il ne s’est pas rendu compte qu’en attaquant ignominieusement DSK sur le terrain on ne peut plus glissant des attaques ad hominem fondées sur des arguments dignes des ligues d’extrême droite de l’entre-deux guerre et du Régime de Vichy, il ne pouvait qu’indisposer grand nombre de personnalités politiques – y compris de son propre camp – d’intellectuels, une large fraction de l’opinion publique éclairée et bien au-delà, au demeurant : qu’il lise la presse quotidienne régionale, notamment les éditos. De plus en plus critiques depuis l’épisode «Prince Jean» à l’Epad et la dégringolade continue de Nicolas Sarkozy dans les sondages.

Comme le dit à l’époque – octobre 2009 – et non sans humour François Hollande : Nicolas Sarkozy n’avait pas seulement perdu la main mais aussi pied. J’ajouterais bien volontiers : et la tête ! et la tête ! Patatras ! Trois semaines plus tard et un mensonge supplémentaire à l’occasion du vingtième anniversaire de l’effondrement de la RDA et l’ouverture du mur : «J’étais à Berlin au pied du mur de Berlin le soir du 9 novembre 1989». Toute la presse se prit au nouveau jeu : dit-il la vérité ?

Et ce fut même Le Figaro qui apporta la preuve du mensonge, en ressortant une archive témoignant qu’il était le matin à Colombey-les-deux-Eglises pour la commémoration de la mort du Général de Gaulle et ne pouvait d’aucune façon avoir eu le temps d’arriver le soir-même à Berlin et ce d’autant plus que l’annonce de la chute du mur était intervenue fort tardivement dans la soirée.

Nicolas Sarkozy – non plus que Christian Jacob qui se targue d’être paysan attaché à ses “racines” - ne devraient dédaigner la PQR. J’ai vécu suffisamment longtemps à Orléans pour savoir qu’en province elle contribue largement à forger l’opinion publique. Il devrait méditer ce qu’écrivit Bruno Dive dans Sud-Ouest Présidentielle : on se calme ! (15 fév. 2011) au sujet de l’attaque de Christian Jacob : «Mais ce genre d’offensive est à double tranchant. Elle risque de se retourner contre ses auteurs. D’abord, elle ressoude les socialistes - qui en ont bien besoin. Voir Benoît Hamon voler, comme il l’a fait hier, au secours de Dominique Strauss-Kahn : beaucoup de gens de gauche en rêvaient, la droite l’a fait ! De Martine Aubry à François Hollande en passant par Jean-Marc Ayrault, ils avaient été nombreux à ironiser sur la petite phrase d’Anne Sinclair. Ils peuvent aujourd’hui se taire : les Copé, Jacob et autres Baroin ont pris le relais».

On ne saurait mieux exprimer ce que je pense ! Les socialistes obligés de faire l’union sacrée et de tous prendre fait et cause pour Dominique Strauss-Kahn contre ces attaques méprisables. Jusqu’à Eva Joly qui se dit prête à appeler à voter DSK au second tour «Si les objectifs écologiques sont pris en considération».

Même mémé Kamizole qui est tout de suite montée sur ses grands chevaux lors même qu’à franchement parler DSK n’est pas ma tasse de thé – politiquement parlant – car contrairement à Anne Sinclair (Le Point, 18 nov. 2010) je ne pense pas qu’il faille «être vraiment tordu pour dire que Dominique n’est pas de gauche» (Canal + le 10 novembre 2010).

Encore que je nuancerais mon propos. Qu’il ne soit pas exactement sur la ligne que je souhaiterais voir adoptée par le Parti socialiste est une chose. Sachant au demeu-rant ce que valent les programmes lorsqu’il s’agit ensuite de gouverner. Mais l’on ne saurait affirmer que son engagement à gauche n’est pas authentique et fort ancien qui plus est puisqu’il fut proche des communistes dans sa jeunesse et passa par le CERES de Jean-Pierre Chevènement (source : Wikipedia). Ce ne sont pas précisément là des choix et une stratégie opportunistes préparant une trajectoire toute tracée dans les appareils politiques ou les allées du pouvoir et sous les lambris dorées de la République…

Qu’il ait évolué par la suite dans un sens nettement plus réformiste et qu’il ait des liens avec nombre de person-nalités de la finance et du monde des affaires est un chose mais les sarkonneurs ne me feront jamais penser qu’il serait le clone de Nicolas Sarkozy. Fût-ce en moins agité du bocal. Il disposerait d’une fortune personnelle (ainsi qu’Anne Sinclair) qui font de lui «un grand bourgeois» comme le lui reproche Pierre Lellouche selon ce que je lis sous la plume d’Alain Auffray dans Libé (15 fév. 2011) La chasse au DSK est ouverte ?

Eh bien, tant mieux ! Il ne sera pas un maniaque parvenu et m’as-tu-vu assoiffé par le fric des autres – deniers publics et cadeaux empoisonnés des convives du sempi-ternel dîner du Fouquet’s – étalant son luxe bling-bling. Même si DSK et Anne Sinclair mèneraient grand train, Christian Jacob peut faire mine de s’interroger «je ne sais pas si c’est un homme d’argent» et Nicolas Sarkozy en rajouter une couche en ironisant devant des parlementaires de la majorité, expliquant qu’à côté du patron du FMI lui-même passerait pour «un pasteur méthodiste» - j’t’en fiche ! - en soulignant «Ma montre, à côté de la sienne, apparaîtra comme un vulgaire modèle»… OK mais ce que ne peut comprendre Sarko c’est qu’il fait parade de sa montre tandis que de loin ou sur des photos personne ne remarque celle de DSK.

Il est bien trop tard pour faire comprendre à Nicolas Sarkozy «Le charme discret de la bourgeoisie» (merci à Bunuel pour ce film délicieux). L’enfant invité en bout de table lors de déjeuners dans les familles friquées de ses condisciples de Neuilly n’en a tiré que du ressentiment, la soif d’argent et de pouvoir. Il m’est arrivé dans ma jeunesse orléanaise d’être conviée à des goûters d’enfants ou un mariage dans des milieux autrement huppés que ma famille (d’origine bourgeoise mais désargentée). Je n’en ai jamais conçu pour autant l’envie de devenir riche et je me sentais tout aussi à l’aise sinon plus dans la cour d’école ou les terrains de jeux du quartier HLM des Acacias. Le snobisme n’a jamais été ma tasse de thé.

C’est peut-être d’ailleurs là que réside le “talon d’Achille” qui peut faire chuter Nicolas Sarkozy en 2012. Si une part de la bourgeoisie traditionnelle préfère sans doute DSK c’est qu’ils ne supportent plus ni le luxe bling-bling de Sarko ni l’étalage perpétuel de sa vie privée. Clio me disait il y a quelques jours au téléphone avoir regardé un numéro de «C dans l’air» où les journalistes invités comparaient les mérites respectifs de Carla Bruni et d’Anne Sinclair, s’en amusant beaucoup. «Que croyez-vous qu’il arriva» ? La Première dame de France n’en sortit pas grandie…

Contrairement aux Mélanchon et Cie qui diabolisent DSK en espérant ratisser l’électorat de la gauche de la gauche (cela réussit si fort que l’on entend parler de militants CGT ou du NPA rejoignant Marine Le Pen avec armes et bagages… Chapeau !) j’ai beaucoup réfléchi depuis quelques temps – notamment en discutant avec des ami(e)s qui pour être de gauche n’ont pas forcément les mêmes conceptions que moi – et de nos «propos de tables» (Plutarque… merci de me signaler s’il en existe une édition qui ne soit pas épuisée) je tirai la conclusion que si Dominique Strauss-Kahn me paraissait le seul candidat capable de nous débarrasser définitivement de Nicolas Sarkozy – «dégage» ! – je n’hésiterais pas.

Il faut être «aussi tordu» que l’est Pierre Lellouche pour affirmer comme le rapportait Jean-Marcel Bouguereau le 15 février 2011 dans son éditorial de La République des Pyrénées L’UMP chasse en meute contre DSK que non seulement il fait de DSK le représentant de «la gauche ultra-caviar» mais qu’il a même affirmé qu’il connaissait «beaucoup de gens de gauche considèrent qu’il est de droite et pas de gauche». Bouguereau le souligne fort à propos : «Il faut un certain culot pour faire ce reproche à DSK alors que le lendemain les mêmes députés UMP discutaient d’une remontée du seuil d’entrée dans l’ISF qui exonérerait 300.000 nouvelles personnes !».

En n’ayant garde d’oublier qu’actuellement Nicolas Sarkozy s’active pour supprimer totalement l’ISF. Je l’annonçais prémonitoirement il y a peu dans un petit exercice de politique fiction. Fort instructif article du Monde (26 janv. 2011) L’autosatisfecit de Sarkozy devant le “premier cercle” de ses donateurs où il n’a pas craint de qualifier l’ISF «de scandale» ! Mais pas le bouclier fiscal ? nonobstant qu’il donne des fouilles en or aux multimillardaires du style Liliane Bettencourt…

Sarko devrait au demeurant se méfier : il se serait montré «triomphant du peu de succès rencontré par la manifestation des enseignants, estimant qu’il n’y avait “personne dans les rues“». Se souvient-il avoir tenu naguère semblables propos : «quand il y a grève per-sonne ne s’en rend compte» ? qui lui furent proprement renvoyés dans les dents lors des énormes manif contre la réforme des retraites ? 2 millions de Français descendus à plusieurs reprises dans les rues, protestation assortie de grèves. Des enseignants à la SNCF en passant par celle du personnel des raffineries de pétrole qui mit pompistes et automobilistes au régime sec.

Il fera moins le fiérot si quelque jour les Français n’en pouvant plus lui font la course à l’échalote sur le mode «Sarko dégage !» et qu’il doive quitter l’Elysée en hélico pour se réfugier au Cap Nègre ou demander l’asile politique à Barak Obama

A cette occasion, il n’a pas craint d’affirmer aux généreux donateurs de l’UMP que s’il était actuellement contraint – pour ne pas perdre toute chance d’être réélu en 2012 – d’afficher «un profil plus modeste», ils allaient voir ce qu’ils allaient voir : «Pour l’instant, j’ai l’obligation d’être discret car je suis président, mais attendez que je sois en campagne»… Mais sauf à ce qu’il démissionne pendant la campagne il sera toujours président. Ce qui ne changera guère la donne puisqu’il est en campagne permanente depuis au moins 2009.

Démissioner, why not ? constitutionnellement il pourrait être remplacé par le président du Sénat qui expédierait les affaires courantes mais il n’est pas assuré du tout que l’UMP conserve la majorité au Sénat en septembre 2011 : les “grands électeurs” sont en effet les élus des collectivités locales ou leurs délégués et depuis 2008 l’UMP a perdu une sacrée “guérouée” d’élus, tant aux municipales de 2008 qu’aux régionales de 2010 et ils anticipent pareille raclée pour les cantonales de mars 2011… Au point que - comme lors des municipales de 2008 - grand nombre de candidats de l’UMP ne se réclament ni de Sarkozy ni de l’UMP sur leurs affiches et tracts, tout juste “majorité départementale” s’ils sont encore à la tête de l’exécutif (aux dernières nouvelles, François Fillon ne serait même pas assuré que l’UMP conservât son fief de la Sarthe)

Quant au ton de la campagne, nous pouvons déjà être rassurés : ça va chier grave !

Nous en avons déjà un avant-goût avec les attaques contre DSK et la reprise des offensives islamophobes et le débat qu’il entend instaurer sur la laïcité - réplique de l’identité nationale de l’hiver dernier et tout autant de remugles puant le passé de sinistre mémoire des années 30 et de l’Occupation. J’y reviendrais par ailleurs La convention sur «La laïcité et la place de l’islam dans la République» : le cimetière de Sarko ?

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