Cela fait quelques semaines maintenant que je suis absorbé par le travail. J’ai donc eu très peu de temps à consacrer à la lecture des blogs que j’aime, ou à aller creuser l’actualité au-delà de sa couverture très légère par les médias « grand-public ». C’est un inconvénient, et c’est aussi une cure de jouvence.
Cela permet de voir dans quels galimatias les gens sont plongés, par les médias et les politiciens bien sûr, et par leur propre fainéantise. Il faut faire des efforts assez importants, lorsqu’on écoute les nouvelles à la radio ou à la télévision, pour garder son esprit critique, refuser les angles de vue faux ou tronqués, suspendre son jugement. C’est le premier constat : à force de lire des blogs, de m’informer sur le net, et de ne garder des grands médias que les moments de débats (souvent avec des intervenants excellents), j’avais oublié à quel point le niveau des flashs d’info est pitoyable. Imbibé de préjugés, de raccourcis coupables.
Le deuxième constat, très frappant, c’est que nous avons accepté dans nos débats publics – depuis certainement longtemps – un manque de morale et de vision qui est choquant. Au point que Fillon justifie l’éviction de M. Alliot-Marie non par des raisons morales, mais par des raisons politiques. On s’excuserait presque d’avoir un point de vue moral sur des situations, de porter un jugement sur des actes ou des idées. C’est une forme de négation permanente de nos valeurs. Une négation même de l’acte de penser. A-t-on le droit d’être choqué par le fait que Juppé soit à nouveau aux manettes d’un ministère ? On n’a trouvé personne d’autre ? Depuis combien de temps est-il là ?
La négation des faits – permanente – est également préoccupante. Nous laissons collectivement – les médias ont une responsabilité particulière sur ce point – des gens (intellectuels ou experts autoproclamés) nier la réalité factuelle, la déformer, la minimiser quand ça les arrange, ou l’inverse. Quelle réflexion est possible si elle ne se base pas sur la réalité ?
Nous avons donc cette troublante manière de mener la réflexion en utilisant à mauvais escient la morale (qui devrait permettre l’analyse juste, au lieu d’être une sorte d’étendard brandi pour se donner un semblant d’honorabilité), comme la réalité factuelle (qui devrait être le point de départ de toute réflexion).
Il n’est pas étonnant, dès lors, de voir l’absence totale de vision de nos politiciens (la plupart). L’instantané, la manigance, le pragmatisme électoral en guise d’habilité. Quelle grille de lecture proposent-ils ? Comment les croire quand leurs annonces sont une longue série de voeux pieux ? La « real-politik » a décidément surtout des défauts, quand elle n’est pas une tactique pensée, décidée, pour faire triompher une certaine vision.
Le problème, c’est que certains savent très bien mettre en avant leur « morale » pour profiter de la situation. Mélenchon, Le Pen : en voilà deux dont je n’aime pas les idées, mais qui étalent leur sincérité (la sincérité n’est pas la justesse) et leur sens moral (leur fidélité à leur propre morale), et qui vont profiter de la situation.
Il est établi que la politique ne tolère pas les purs idéalistes. Mais je ne pense pas que nous méritions pour autant un tel ramassis de médiocres.
Où sont la morale, le respect des faits ? Où est la vision ?
Article paru sur Expression Libre, membre du Reseau LHC.