Depuis 1999, le son de Grails n’a cessé de se bonifier permettant au groupe de tirer son épingle du jeu dans cette large catégorie qu’est le post-rock. Après trois ans dans l’ombre, Grails refait surface et nous livre son cinquième opus chez Temporary Residence. Deep Politics a été composé durant la longue période de gestation du groupe. Un disque, donc, mûrement réfléchi, composé pendant près d’un an entre les différents projets du quatuor (Om, Holy Sons, Harvestman) et toujours produit par ses créateurs.
Avec Deep Politics, force est de constater que leur musique n’a rien perdu de sa teneur. Le groupe continue d’explorer de nombreux styles pour ériger un melting-pot sonore des plus denses. L’atmosphère du disque est pourtant bien distincte des précédents. Alors que le sombre et hallucinogène Doomsdayer’s Holiday lorgnait du côté des séries-B, Deep Politics est parsemé de nombreuses références aux films italiens des années 70 : les samples disséminés dans les huit pistes qui composent le disque et les arrangements luxuriants de Timba Harris (Secret Chiefs). Le disque est donc beaucoup plus contrasté que ses prédécesseurs, plus abouti, et constitue une véritable expérience surréaliste.
Une fois la première piste enclenchée, l'écoute du disque nous réserve son lot de surprises. Plus les thèmes s’enchaînent, dans une structure alambiquée, et plus on se plaît à attendre le prochain avec appréhension. Car les quatre de Portland (Oregon) dressent ici un vaste tableau, tout en clair-obscur, créant souvent des hybridations entre les styles. Preuve en est avec "All the colors of the dark", au titre annonciateur, et ses nombreux changements d’atmosphère mêlant arpèges de pianos dissonants, soli épiques à la sauce floydienne et bande son de western à la Ennio Morricone. La première piste "Future primitive" annonçait déjà la couleur, avec ses riffs heavy et ses violons folkloriques, d’un post-rock plus abouti.
"Corridors of power" marque une légère pause dans l’écoute et une introspection dans des contrées plus mystiques, si chères au groupe, soutenue par une flûte de pan hypnotisante. Puis c’est au tour de l’éponyme "Deep politics" porté par les accords mélancoliques d’un piano. Mais lorsque la batterie fait son entrée, avec un roulement caractéristique du jeu subtil d’Emil Amos, le ton devient plus sentencieux et se poursuit sur un "Daughters of bilitis" où les envolées de violons succèdent aux notes d’un piano jazzy.
À ce stade de l’écoute, le groupe parvient encore à nous surprendre avec le lumineux et entraînant "Almost grew my hair". Et que dire du magistral "I led three lives" qui mélange habilement les ambiances et n’est pas sans évoquer le Pink Floyd de la période Animals. Avant d’amorcer l’introduction dépouillée de "Deep snow", tout en guitare acoustique et nappes de son, avec ce petit côté Six Organs Of Admittance. Mais les guitares électriques ont tôt fait de réapparaître pour un ultime revirement folklorique.
En bref : Deep Politics est un disque fascinant, l’œuvre d’un groupe au sommet de son art se jouant à merveille des frontières du post-rock. Plusieurs écoutes seront nécessaires pour en saisir la beauté mais on ne l’oubliera pas de sitôt !
Le site officiel, le Myspace et le site du (très bon) label.
"All the colors of the dark" :
"Almost grew my hair" :