LA MÉMOIRE DIVINE
Si vous me donnez une étoile
et me l’abandonnez, nue sur ma paume,
je ne saurai pas refermer ma main
pour défendre ma joie qui naît.
je viens d’une terre
où on ne perdait.
Si vous trouvez pour moi la grotte
des merveilles qui, tel un fruit,
a des entrailles pourpre et or
et fait s’écarquiller les yeux d’étonnement,
je ne fermerai pas la grotte
au serpent ni au grand jour,
car je viens d’une terre
où on ne perdait.
Et si vous me tendiez des coupes
de cinnamome et de santal, capables
d’embaumer les racines de la terre
et d’arrêter le vent quand il s’égare,
je les confierais à la première plage venue,
car je viens d’un pays
où on ne perdait.
J’ai eu l’étoile vive sur mon sein,
entière j’ai brûlé comme dans un couchant
aux longs rayons. J’ai eu cette grotte où pendait
le soleil, où jamais le jour ne s’achevait.
Mais je n’ai pas su les garder
ni comprendre qu’opprimer c’était les aimer.
Sereine j’ai dormi sur leur beauté
et sans trembler je m’abreuvais de leur douceur.
Et je les ai perdus, sans un cri d’agonie,
car je viens d’une terre
où ne perdait l’âme éternelle.
***
LA MEMORIA DIV1NA
Si me dais una estrella,
y me la abandonáis, desnuda ella
entre la mano, no sabré cerraría
por defender mi nacida alegria.
Yo vengo de una tierra
donde no se perdia.
Si me encontráis la gruta
maravillosa, que como una fruta
tiene entraña purpúrea y dorada,
y hace inmensa de asombro la mirada,
no cerraré la gruta
ni a la serpiente ni a la luz del día,
que vengo de una tierra
donde no se perdía.
Si vasos me alargaseis,
de cinamomo y sándalo, capaces
de aromar las raíces de la tierra
y de parar al viento cuando yerra,
a cualquier playa los confiaria,
que vengo de un pais
en que no se perdia.
Tuve la estrella viva en mi regazo,
y entera ardí como en tendido ocaso.
Tuve también la gruta en que pendía
el sol, y donde no acababa el dia.
Y no supe guardarlos,
ni entendi que oprimirlos era amarlos.
Dormi tranquila sobre su hermosura
y sin temblor bebía en su dulzura.
Y los perdí, sin grito de agonía,
que vengo de una tierra
en donde el alma eterna no perdia.
(Gabriela Mistral)