Par Corinne De Luca /
L'oeuvre des mers / Eugène NICOLE (Eds. de l'Olivier, 944 p., 26€)
Gros volume de près de 950 p., « L’œuvre des mers » d’Eugène Nicole est un roman autobiographique commencé en 1988. Paru en plusieurs volumes, il est rassemblé aux éditions de l’Olivier et augmenté d’une 5ème partie intitulée « Un adieu au long cours ».
Eugène Nicole naît en 1942 à St Pierre et Miquelon, territoire d’outre-mer de 242 km² au large du Canada. A l’âge de 14 ans, il quitte son archipel (qu’il appelle le rocher) pour aller poursuivre ses études en métropole. Nostalgique, il ne peut oublier son île, ni le théâtre appelé « L’œuvre des mers » où il allait voir des films français. Il y verra d’ailleurs plusieurs fois « Tour de France par deux enfants », chaque fois que la nouvelle bobine de film aura du mal à arriver par bateau.
Des années plus tard, cet exil le pousse à écrire. Il raconte ce pays de naufrages et remonte le cours de sa mémoire au travers de l’évocation de personnages tous plus pittoresques les uns que les autres. Ainsi, surgissent dans le paysage, des personnages magnifiques aux curieux destins. Il y a Gabie, simple d’esprit, obsédée par la guillotine Néel et qui, regardant passer l’avion de Lindbergh dans le ciel, croit voir voler l’unique voiture de l’île. Il y a aussi Sasco, qui ne rapporte dans ses « Ephémérides bleus », que ce qui est arrivé au pays par beau temps et ce n’est pas souvent.
« N’oublie pas ce que disait maman : dès qu’on peut découper une culotte de gendarme dans le ciel, tout est bleu ! – A condition de faire vite, rétorquait la cadette, et qu’il est le cul assez gros ! »
Méditation sur le temps, « L’œuvre des mers » est selon l’auteur : « le roman d’une enfance et d’un lieu ». Le style d’Eugène Nicole, grand spécialiste de Proust, est foisonnant et son récit respire l’intelligence. Depuis 1989, il est professeur de littérature française à l’Université de New-York, il a collaboré à l’édition de « A la recherche du temps perdu » dans la Bibliothèque de La Pléiade.