Il y a un an, le service public nous mettait en garde par l’entremise du Jeu de la mort : la télé-réalité risquait d’envahir notre paysage audiovisuel et elle représentait un vrai danger pour notre démocratie. Un an plus tard, France 2 nous présente officiellement sa première émission de télé-réalité (en fait ce n’est pas tout à fait vrai : elle a diffusé La Brigade des jardiniers, qui appartenait à ce genre et une émission inspirée d’Un dîner presque parfait sur France 3. De quoi s’agit-il ? Une semaine sans les femmes : des hommes sont filmés dans leur quotidien pendant que leurs femmes se prélassent à Marrakech.
Est-ce de la télé-réalité ou une « expérience », comme le dit la chaîne ? La réponse est sans ambiguïté : il s’agit bien de télé-réalité dans la mesure où une situation tout à fait artificielle a été créée pour l’émission et est filmée par des caméras. C’est ce qui me fait préférer l’expression « jeu de rôle » à celle de télé-réalité.Une animatrice vient à espaces réguliers commenter, les yeux dans les yeux, l’évolution de l’expérience. Les plans sont très rapprochés, assez brefs, les axes nombreux : pour faire un tel tournage, il a fallu demander aux hommes « abandonnés » de feindre l’absence de caméra. La discussion est éternelle entre les professionnels, qui prétendent que la caméra s’oublie, et les analystes qui prétendent le contraire. En l’occurrence, il n’y a aucune ambiguïté – et j’attends qu’un producteur vienne me contredire sans mentir – la caméra est trop près des protagonistes pour être ignorée.
Que résulte-t-il de cette émission programmée le jour des femmes, et qu’Angela Lorrente dit avoir refusée pour son machisme ! c’est dire !, un programme d’un ennui sans fond. Pour vous tenir au courant de l’actualité, je l’ai consciencieusement regardé [message à Médiamétrie : celui qui est resté jusqu’à la fin : c’est moi], mais quel ennui ! Il m’a fallu suivre l’épluchage des pommes de terre, la confection d’œufs sur le plat, le dîner de bébé, et j’en passe… Tout cela m’a rappelé Jeanne Dielman, de Chantal Ackerman, mais sans le talent de la cinéaste : de la vie concentrée dans toute son horreur… Forcément, la télé-réalité a été vidée de tout ce qui fait son sel : des épreuves stupides, des candidats qui le sont tout autant… Une télé-réalité politiquement correcte, mais dont on ne voit vraiment pas qui elle peut intéresser.
Il ne manquerait plus que France Télévision considère ce programme comme un programme culturel ! Ce serait complet ! Le service public file un mauvais coton : elle ne veut pas se séparer d’un chroniqueur condamné pour incitation à la discrimination raciale, se tourne vers la télé-réalité… Où sont donc les grandes ambitions pour France Télévisions, qui avaient motivé la réforme de 2008 ?
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