Lundi 7 Mars 2011
La biographie de Stefan Kanfer saisit la grandeur de l’acteur. Et de l’homme.
Une génération d'acteurs et d'actrices de plus en plus jeune
Aujourd’hui, la carrière d’une star hollywoodienne, comme l’espérance de vie d’un papillon ou d’un réplicant, a cela de tragique que sa durée semble programmée de manière irréversible. Jack Nicholson, Robert Duvall et Gene Hackman ont atteint le sommet à 40 ans, mais désormais, la seule tête grisonnante à laquelle nous ayons droit est celle de George Clooney. Et encore, il est passé par la télévision, le dernier endroit où l’on peut espérer apercevoir un homme d’âge mûr. Quant aux actrices, ce n’est plus la quarantaine qu’elles redoutent. Aujourd’hui, grâce à Gwyneth Paltrow, la nouvelle date de péremption est tombée à 30 ans, l’âge auquel il faut avoir eu son Oscar si on ne veut pas être balayée par la vague suivante de pré-ados déchaînées. Vous avez remarqué qu’on ne parle plus d’acteurs-enfants? C’est parce que tout le mondeHathaway. Williams. Dunst. Les Gyllenhaal. Les Fanning. Dans le métabolisme accéléré de l’Hollywood contemporain, commencer sur les plateaux à 11 ans n’a plus rien d’exceptionnel. C’est simplement un bon départ. est acteur-enfant.
Tout ça pour souligner que le détail le plus important de la biographie écrite par Kanfer, Tough Without a Gun: The Life and Extraordinary Afterlife of Humphrey Bogart, c’est que Bogart a percé dans le cinéma à 37 ans et qu’il a dû attendre 41 ans pour devenir célèbre. Il en était déjà à son deuxième mariage, ses parents étaient morts et il n’avait rien du petit prodige, avec son physique austère et ses grandes dents qui transformaient son sourire en grimace, en «image de la détresse», pour citer Kanfer. Or, à Hollywood, le destin se lit souvent sur le visage. Et le premier signe que Kanfer maîtrise bien son sujet, et c’est tout ce qu’on attend de lui, est le soin qu’il prend à étudier cette gueule, pleine de crevasses et de failles, avec sa bouche étonnamment belle. «Son visage était dense, d’une belle teinte rose et parfaitement dessiné», notera Louise Brooks, qui elle aussi devait tout à son visage. «Ce qui le rendait réellement fascinant, c’était la cicatrice qui venait déformer le coin de sa lèvre supérieure.
On ne sait pas exactement d’où lui venait cette marque. Un coup asséné par son père, ivrogne colérique? Une bagarre avec un prisonnier quand il était dans la Navy? Un éclat d’obus tiré par un U-boat allemand? Une chose est sûre, elle donnait à sa voix son chuintement caractéristique, que Bogart dissimulait en parlant le plus bas possible, ce qui donnait l’impression qu’il s’adressait à une seule personne, même lorsqu’il commençait un film avec une longue voix off d’exposition.
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http://backoffice.slate.fr/story/34905/bogart-humphrey-secret