Depuis les années 50, la Nouvelle Vague avec Godard, Truffaut… a fait pas mal de ramdam. Pas question de renier la qualité de ce cinéma
Dans un bar parisien, Charlie joue du piano tous le, regardons-le plutôt sous un autre angle soirs pour faire danser les clients. Il est timide, petit, à l’air sombre et ne cherche surtout pas les histoires, parce que les mauvais plans, il a connus ! Évidemment, il ne va pas réussir longtemps à les éviter.
En premier lieu, le déroulé palpitant de la narration : comment Charlie est arrivé dans ce bastringue alors qu’il semble cacher beaucoup de choses ?
Au-delà de ça, la construction du film est inattendue : Truffaut mélange tous les genres. Il l’a dit lui-même, il a réalisé l’antifilm noir à la Lino Ventura. On trouve ici de la poursuite de gangsters, du drame, du romantisme et de l’humour ! Les vilains sont amusants et attachants. On voit se dessiner le duo de criminels comiques que l’on verra dans les comédies policières des 90. En plein règlement de compte, entre un enlèvement et un assassinat, un des voyous réplique « J’te le jure sur la tête de ma mère qui meurt à l’instant ». Changement de plan, on voit une vieille femme s’écrouler morte soudainement. Retour aussitôt à l’histoire, le clin d’œil est bref et efficace.
Quand on évoque Truffaut, on pense aux quatre cents coups ou à Jules et Jim. Moins souvent cité, Tirez sur le pianiste est pourtant très intéressant. Déjà parce qu’il nous montre un Charles Aznavour, antihéros poissard, bien loin de l’idole des têtes blanches qui chante La Bohème, alors qu’est arrivé l’âge où la retraite serait un soulagement… pour nos oreilles.
À savourer également pour la vision des femmes et de l’amour, égrainée au fil des minutes. Et pour finir, méditons la phrase d’Aznavour répliquant, clope au bec, à sa voisine prostituée qui voudrait bien faire un câlin avec le minou qu’il est : « Aujourd’hui (…) ils l’ont annoncé à la télé : les minous sont fatigués ».
Bénédicte Crabouillet
Tirez sur le pianiste, François Truffaut, 1960, avec Charles Aznavour, Marie Dubois, Michèle Mercier, tiré du livre Down There, de David Goodies (1957, Gallimard)