La vérité, rien que la vérité : les statistiques aéroportuaires sont, par nature, au-dessus de tout soupçon. Mieux que toute autre source, elles donnent les vrais chiffres, le trafic au passager prčs, les tendances, les espoirs mais aussi les déceptions. Mieux, les aéroports ignorent qui est membre de l’IATA et ne l’est pas, ne tiennent pas compte des appellations low cost, charter, etc. S’il ne fallait consulter qu’une seule source pour prendre le pouls du marché, il s’agirait des colonnes de chiffres alignées par l’UAF, Union des aéroports français.
Les voici pour l’année 2010. Elles nous confirment la réalité de la reprise mais, dans une optique française, une reprise molle : 151,8 millions de passagers, 1,3% de plus seulement qu’en 2009. Encore s’agit-il de manier ce résultat plutôt morne avec beaucoup de prudence. En choeur, Claude Terrazzoni et Jacques Sabourin, respectivement président et délégué général de l’UAF, égrčnent les Ťépisodesť d’une année 2010 passablement agitée et qui ont perturbé la bonne marche des compagnies.
Bien sűr, chacun se souvient du tristement célčbre volcan islandais Eyjafjoll et des abondantes chutes de neige de décembre qui ont fait du glycol un produit tout ŕ la fois rare et célčbre. Mais les maux aériens ne se sont pas limités ŕ cela: grčves des contrôleurs récusant la création d’un Ťbloc fonctionnelť au coeur de l’espace aérien européen et mouvements sociaux liés ŕ la réforme des retraites. L’activité aérienne y a laissé des plumes, une perte de trafic de 4% environ, estime l’UAF. Il convient tout ŕ la fois reconnaître cette réalité et de se faire ŕ l’idée que 2011 ne sera probablement pas plus calme. L’aviation civile, on le sait, est tout sauf un long fleuve tranquille.
Cela étant dit, toutes les compagnies ne sont pas égales devant la reprise. Air France a ainsi mis plus de temps que d’autres ŕ retrouver sa bonne santé commerciale tandis que d’autres ont fait mieux, plus vite, et que les low cost ont éloquemment confirmé qu’elles entendent bien ne pas d’arręter en si bon chemin. Et en voici une nouvelle illustration, claire et nette : sur l’ensemble des aéroports métropolitains, la part de trafic desdits low cost est passée ŕ 19,6%. Hors Paris, c’est-ŕ-dire pour l’ensemble des pistes régionales, leur part a atteint 29,2%. Ť Et on n’est certainement pas au bout de cette essorť.
Le monde des low cost est tout ŕ la fois dynamique et agité, comme l’a montré l’année 2010. Encore s’agit-il de relativiser l’importance de certains événements, aussi vite oubliés qu’ils avaient déboulé sous les feux des projecteurs et défrayé la chronique.
Claude Terrazzoni, tenu par une obligation de neutralité, se contente de noter prudemment Ťqu’il y a Ryanair ...et les autresť. Ce qui revient ŕ dire implicitement qu’il faut éviter de généraliser les critiques, que seule la compagnie irlandaise cherche ŕ obtenir des subventions d’autorités locales. De toute maničre, la seule Ťbaseť française de Ryanair a été fermée mais Marseille-Provence n’a pas été abandonné pour autant.
Par ailleurs, le président de l’UAF n’hésite pas ŕ élargir le débat : quel que soit le secteur concerné, dit-il, nous sommes entrés dans une économie du low cost. Autrement dit, ce n’est pas une mode éphémčre mais une tendance forte et durable.
Reste, pour la bonne forme, ŕ faire le sempiternel constat de l’hyper centralisation française : Aéroports de Paris domine le monde aéroportuaire avec 59% du trafic passagers et 90% du fret : Ťil y a Paris, d’une part, le désert, d’autre partť. L’analyse est un peu forcée, certes, mais, lŕ encore, les chiffres parlent d’eux-męmes : 83,3 millions de passagers pour Paris (un médiocre + 0,4%) tandis que la deuxičme plate-forme, Nice Côte d’Azur, en compte ŕ peine 9,6 millions (- 2,3%). Il est vrai que la France est tout simplement ŕ la fois trop centralisée et un peu trop petite, en dimensions s’entend, pour qu’il en aille autrement. C’est un constat, pas une critique.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: Marseille Provence)