Tout le monde se souvient d'une visite présidentielle, en novembre 2007, au Guilvinec. Le président fraîchement élu, déjà impopulaire, s'était publiquement énervé contre un pêcheur breton qui l'avait interpelé. Quelques mois auparavant, on avait découvert, à la lecture d'un ouvrage de Yasmina Reza, des propos peu amènes envers la Bretagne tenu par le candidat Sarkozy pendant sa campagne. Le temps est passé, mais c'est toujours un Monarque incroyablement impopulaire qui se rend aujourd'hui dans le Morbihan. Mais le plus surprenant est ailleurs : la Libye s'embrase, Kadhafi nous nargue ou nous insulte. mais Sarkozy est ailleurs. Il laisse son « domaine réservé » à Alain Juppé. La campagne de 2012 le préoccupe trop.
Diplomatie : Sarkozy lâche-t-il l'affaire ?
En Libye, l'armée gouvernementale, richement dotée de toutes sortes d'équipements occidentaux ou russes, a repris l'offensive contre la rébellion à l'Est du pays.
Une intervention européenne se dessine, nous promet-on. Mais où est donc Nicolas Sarkozy ? Le même nous expliquait voici à peine 8 jours que le printemps arabe, et la récente révolte libyenne, était un évènement géopolitique suffisamment détonnant pour qu'il se débarrasse de Michèle Alliot-Marie et de Brice Hortefeux. Mais depuis une semaine, Nicolas Sarkozy a repris le chemin des campagnes, de sa campagne, celle de 2012 dont il ne veut reconnaître qu'elle le préoccupe.
Les prises de position officielles de l'Elysée en matière diplomatique sont devenues rares, comme si les préoccupations électoralistes avaient repris le dessus. La dernière date du 25 février. En Libye, le dictateur Kadhafi n'est pourtant pas avare de déclarations, provocations et boucheries. Ce weekend, il s'est montré à la télévision, pour fustiger l'attitude de la France et des « occidentaux ». Dimanche, l'un de ses fils rappelait son amitié envers Nicolas Sarkozy : « Nous continuons à considérer le président Sarkozy comme notre ami et comme un ami de la Libye. Nous l'avons reçu, ici, à plusieurs reprises. Il a reçu mon père à Paris » Lundi, son ministre des affaires étrangères Moussa Koussa, accusait : « Il est clair que la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis prennent maintenant contact avec ceux qui ont fait défection dans l'Est libyen. Cela veut dire qu'il y a une conspiration pour diviser la Libye.»
Aux Etats-Unis, l'administration Obama réagit quasi-quotidiennement. Lundi, elle réclamait un soutien de l'ONU si une intervention militaire de l'OTAN devait avoir lieu. La semaine dernière, les Américains poussaient le blocus aérien. La Sarkofrance semble une nouvelle fois figée. Le grand ami russe de Sarkofrance refuse toute ingérence. Il vient de perdre 4 milliards de dollars de ventes d'armes. Ni l'Allemagne ni l'Italie ne sont très chaudes. Mais le nouveau ministre des affaires étrangères Juppé insiste. On explique qu'il s'active, auprès du Conseil de Sécurité de l'ONU pour convaincre du bien-fondé d'une intervention militaire. On n'en doute pas. Alain Juppé est convaincu. L'armée résiste. Empêcher l'aviation libyenne de bombarder la rébellion est chose aisée pour l'OTAN. Si accord, on pourrait intervenir d'ici une semaine ou deux.
Le plus surprenant est le silence du président français lui-même. Nicolas Sarkozy a complètement lâché ce domaine réservé . Voici la vraie surprise. Tout préoccupé de voir Marine Le Pen le dépasser dans un sondage contesté, tout entier concentré à travailler sa propre réélection, Nicolas Sarkozy a lâché les affaires diplomatiques. On n'avait pas compris le sens de son intervention télévisée du 27 février dernier. Quand il annonçait la nomination de ministres expérimentés dans les trois domaines les plus régaliens de l'Etat (Affaires étrangères, Défense et Intérieur), il ne signifiait pas qu'il voulait s'en occuper... Bien au contraire, il nous expliquait qu'il avait besoin d'y nommer des (prétendus) cadors pour mieux lâcher l'affaire et travailler sa campagne...
Sarkozy pense aux Bretons
Les conseillers élyséens s'échinent à trouver des appellations thématiques variées pour illustrer et résumer les intentions de leur patron quand il se déplace en province. Pour sa visite à Beignon, puis à Josselin, le déplacement a été baptisé « à la rencontre des maires du Morbihan.» A 10h30, le Monarque arrivera sur place, à l'usine FenêtréA. A 11h30, il participera à une assemblée générale « extraordinaire » des maires du Morbihan, invité par le député UMP Jacques Le Nay (ce dernier a éclipsé tous signes UMPiste de son propre blog). Une heure et demi plus tard, il signera le livre d'or de la mairie de Josselin, après un « bain de foule » réservé aux militants UMP du coin. Plusieurs rues et la place de la Mairie ont été fermées, au grand dam de certains commerçants. Le délégué de la fédération UMP du Morbihan n'est autre que François Guéant... fils du tout nouveau ministre de l'intérieur et ancien conseiller technique de Rachida Dati. Le garçon avait été parachuté voici un an.
L'enjeu pour le nouveau candidat Sarkozy est de se faire aimer, de se montrer attentionné et protecteur. Ce simple sondage plaçant Marine Le Pen devant lui au premier tour de la présidentielle a semé la panique à l'UMP. Samedi dernier, le fidèle François Fillon expliquait à longueur de colonnes du Figaro que son Monarque était le meilleur candidat pour 2012: « Non seulement il est le seul, mais il est le meilleur candidat possible. Il n'y a pas l'ombre d'un doute. C'est lui qui rassemble le plus largement possible la majorité. »
A Paris, l'actualité gouvernementale est désespérément triste et vide. François Fillon a célébré, avec 24 heures d'avance, la journée internationale de la Femme. Son secrétaire d'Etat à la Fonction Publique George Tron a proposé de régulariser la situation de quelques 100.000 contractuels de la Fonction Publique. L'effort est modeste, quand on sait que (1) le nombre de précaires de la fonction publique a justement augmenté de 100.000 depuis 2007 (766.000 en 2007, 870.000 en 2010), et (2) qu'ils sont près de 900.000 désormais. Autre proposition gouvernementale, la création d'une indemnité de fin de contrat pour les CDD, qui serait comparable à la « prime de précarité » en vigueur dans le secteur privé, mais en contrepartie d'une nouvelle cotisation chômage. Cette dernière n'existe pas pour les fonctionnaires sont exonérés - puisque leur emploi est à vie. Ce qui n'est pas le cas, par définition, des contractuels. Donner d'un côté ce que l'on reprend de l'autre est un sport national en Sarkofrance...
De la Libye à ... Karachi
Dimanche, le colonel Kadhafi s'était exprimé dans les colonnes du Journal du Dimanche. Lundi, l'Express révélait que les deux journalistes auteurs de l'entretien étaient revenus en France dans un avion affrétés par ... les autorités libyennes. Mieux, l'avion transportait également Ziad Takieddine, l'un des deux intermédiaires imposés par le gouvernement Balladur dans la cession des sous-marins Agosta au Pakistan en janvier 1995. M. Takieddine a d'ailleurs été placé en garde à vue dès l'arrivée de l'avion sur le tarmac de l'aéroport du Bourget, près de Paris. En cause... quelques 1,5 million d'euros en liquide trouvé dans l'appareil... « L'enquête, qui porte sur des "manquements aux obligations déclaratives" et une "suspicion de blanchiment", est désormais confiée au Service national de la douane judiciaire (SNDJ), dépendant de Bercy. Takieddine a été remis en liberté, dans la soirée de dimanche, sans faire, semble-t-il, l'objet de poursuites. Une enquête préliminaire a tout de même été ouverte pour vérifier ses déclarations. L'argent a été saisi. » relate l'Express.
Que faisait Ziad Takieddine dans le même avion que les deux journalistes du JDD (dont Laurent Valdiguié) ? « Bien sûr... J'ai entrepris cela dans une démarche positive. C'était un acte nécessaire pour faire comprendre à tous la situation en Libye. » a-t-il expliqué au Post... On s'étrangle... Ziad Takieddine pense-t-il qu'il y avait quelques malentendus à dissiper sur l'oppression kadhafienne ?
L'affaire de Karachi n'a pas livré tous ses secrets, et l'enquête du juge Renaud van Ruymbeke non plus. Ce weekend, un « porteur de malettes de billets » de la campagne Balladur de 1995 s'est rappelé au bon souvenir de ses anciens mentors, Nicolas Sarkozy compris : « En tout, entre le 13 mars et le 24 avril, j'ai dû procéder à 22 dépôts (...). Cela pouvait aller de 100 000 à 500 000 F maximum (15 000 à 75 000 euros environ) car la mallette ne pouvait pas contenir plus ».
D'où venait l'argent ?