C’est par la ville de Xiahe que nous avons débarqué dans l’Amdo. Xiahe est une ville tibétaine située à 4 heures de route de Lanzhou, la capitale du Gansu. Nous sommes ici en terre culturelle tibétaine. Xiahe est connu pour le monastère de Labrang, l’un des six grands monastères Gelugpa, école du bouddhisme tibétain, dont le Dalai Lama est l’autorité spirituelle. Ce monastère, fondé en 1709, accueille le plus grand nombre de moines en dehors de la région autonome du Tibet, il y en a entre 500 et 600.
J’ai une très curieuse impression en arrivant dans cette ville. On y pénètre par la ville chinoise, avec des bâtiments qu’on voit dans toutes les villes du monde, des boutiques, des restaurants et des banques. Il faut une dizaine de minutes pour traverser ce premier centre-ville avant de pénétrer dans la ville tibétaine, à proximité du monastère.
Changement de décor: les bâtiments sont en terre, peints en blanc ou de couleur naturelle. Le sol est en terre battue. Pas de goudron, d’acier ou de tour. Seulement de la terre et des tissus. La ville est ponctuée d’édifices religieux et encerclée par un couloir de déambulation et ses centaines de moulins à prière.
La relation avec les Tibétains de cette ville est assez bizarre. Dans la partie historique, ils prient, se baladent et vaquent à leurs occupations naturellement, les regards sont posés et bienveillants.
Dans la ville chinoise l’ambiance est toute autre. Même à notre égard, je sens une agressivité, ou du moins des regards sur la défensive, prêts à se faire violents si besoin est.
Je comprends ici à quel point les relations sino-tibétaines sont dures et faites d’incompréhensions. Les Tibétains, peuple nomade, ne sont absolument pas dans leur élément. Ce peuple sédentarisé, de gré et surtout de force, ne trouve pas sa place dans cette ville moderne et le mal-aise est palpable. Les tensions de 2008 ne sont pas loin non plus et ont laissé des séquelles.
Je parle de sédentarisation forcée car j’ai appris que le gogov. donne 20.000 rmb aux nomades pour qu’ils renoncent à leur tente traditionnelle et se construisent une maison « en dur ».
J’ai aussi lu que le gogov. a renforcé les dispositifs d’éducation politique et des séances de rééducation sont menées pour que les moines accèdent à une forme d’éducation patriotique…
La partie tibétaine de Xiahe n’en reste pas moins magnifique. C’est un émerveillement de couleurs, de tenues et d’attitudes d’ailleurs. L’étonnement bienveillant se lit dans le regard des Tibétains. De ce côté-ci de la ville, je suis à l’autre bout du monde et je sens que la rencontre est possible…
Et vous pouvez voir de nouvelles photos sur Xiahe chez mon conjoint…