Dans un milieu éducatif prompt à penser la lutte contre l’échec scolaire en termes de technique, un essai aborde un champ peu exploré du décrochage : la défaite de l’intériorité, face à la culture du zapping.
Notre école a-t-elle un cœur ? C’est un petit livre rare, inspiré par des années d’observation dans les classes de l’Éducation nationale où Évelyne Martini, inspectrice d’académie, vient s’asseoir pour observer le métier d’enseignant. Il est encore plus rare qu’il soit publié par une inspectrice en activité, dans un monde où l’omerta est aussi féroce que les susceptibilités pédagogiques.
Qu’est-ce qui fait qu’un élève accroche ou décroche de ce qui lui est enseigné ? La question étreint les professeurs. Et les fausses réponses abondent : coller au plus près de leurs intérêts supposés, multiplier les gadgets pédagogiques, animations et coaching en tout genre… Avec finesse et empathie, mais aussi une grande fermeté, Évelyne Martini décortique les pratiques de l’institution. Elle met surtout à jour un élément clé du fossé parfois abyssal entre élèves et professeurs : le « parasitage de l’imaginaire » des jeunes par le bouillonnement médiatique, leur attachement compulsif aux marques et aux stars, qui les confine dans une culture de l’idole, à l’opposé de la culture scolaire ; ces « évidences installées qui bloquent l’accès de la pensée et de la sensibilité à des univers symboliques différents » ; la difficulté à se rendre présent à l’autre, le manque d’intériorité face à la pensée en groupe.
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