La première chambre de la Cour de cassation, dans son arrêt du 23 février 2011, précise la sanction qu’encourt le demandeur assignant le majeur sous curatelle dans le cadre d’une action en diffamation sans le signifier à son curateur.
Il convient de procéder à un bref rappel des faits.
M. X, majeur sous curatelle, tient des propos jugés diffamants visant M. Y.
M. Y, souhaite protéger son honneur et sa réputation.
Par conséquent, il réclame réparation de son préjudice et signifie au majeur sous curatelle une assignation tendant à mettre en cause sa responsabilité délictuelle dans le cadre d’une action en diffamation.
Cependant, il ne signifie pas ladite assignation au curateur de M. X.
La décision de première instance est favorable à M.Y.
Néanmoins, la cour d’appel de LYON annule ledit jugement dans son arrêt du 24 septembre 2009.
La cour d’appel, invoque au soutien de sa décision le visa de l’article 510-2 du code civil, qui énonce :
« Toute signification faite au majeur en curatelle devait l’être aussi à son curateur à peine de nullité ».
Le demandeur soutient que ce défaut de signification n’est qu’une irrégularité de forme. En conséquence, il forme un pourvoi en cassation.
I. Le défaut de signification au curateur : irrégularité de fond, irrégularité de forme ?
- Quelles sont les incidences de cette qualification ?
Si l’irrégularité est de forme, elle doit être soulevée avant toute défense au fond, et n’est recevable qu’à condition de justifier d’un grief. Et donc, dans notre cas, le majeur sous curatelle ne pourra s’en prévaloir.
Au contraire, si l’irrégularité est de fond, elle conduit à l’annulation de l’acte de procédure qui en est affecté. Et, dans notre cas, toute la procédure initiée par M. Y est à reprendre. De plus, l’action en diffamation est enfermée dans un délai de prescription très court : trois mois à compter du jour où ces propos auront été tenus (Article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). L’annulation de l’assignation du demandeur dans ce cas est donc particulièrement dangereuse.
- Comment déterminer la nature de cette irrégularité ?
L’arrêt du 7 juillet 2006 rendu en chambre mixte par la cour de cassation énonce :
« Quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure […] les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile ».
Donc, la réponse est à rechercher dans l’article 117 du code de procédure civile. Celui-ci, en son alinéa 2, vise la capacité à ester en justice.
Le majeur sous curatelle a-t-il la capacité juridique de se défendre à une action en diffamation ?
Les articles 510 et 464 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 opéraient une distinction nette entre les actions que le majeur sous curatelle pouvait intenter seul (capacité à ester en justice), et celles qui exigeaient l’intervention du curateur (incapacité à ester en justice).
En résumé, le majeur sous curatelle avait la capacité d’ester en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux uniquement.
Dés lors, l’action en diffamation présente-t-elle le caractère d’un droit patrimonial ou celui d’un droit extrapatrimonial ?
II. Action en diffamation : défense d’un droit patrimonial ou extrapatrimonial ?
Les droits extrapatrimoniaux n’ont que rarement d’incidences pécuniaires. Et l’action en diffamation ouvre droit à l’allocation de dommages et intérêts. On pourrait tirer de cet argument que l’action en diffamation a un caractère patrimonial.
La cour de cassation rejette cet argument et rappelle que :
« L’action en diffamation, qui tend à la protection de l’honneur et de la considération de la personne diffamée, présente, quand bien même elle conduirait à l’allocation de dommages-intérêts, le caractère d’une action extrapatrimoniale ».
En conséquence, le majeur sous curatelle n’a pas capacité pour se défendre seul à une telle action.
L’assignation d’un majeur sous curatelle relative à une action en diffamation doit, donc, sous peine de nullité, être également signifiée à son curateur.
Souces: Cour de cassation – Chambre civile 1 – 23 Février 2011 – N° 10-11.968
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