L'Europe envisage de ficher tous ses visiteurs
LIBERATION.FR AVEC SOURCES AFP dimanche 27 janvier 2008
Lors d'une réunion informelle vendredi et samedi, les ministres de l'Intérieur de l'UE ont proposé de réclamer aux visiteurs leurs empreintes digitales, identifiants biométriques et données personnelles pour les stocker dans des bases de données.
L'Union européenne veut ficher tous ses visiteurs afin d'interdire son espace aux terroristes, criminels et autres malfaisants et garantir à la fois la liberté de mouvement et la sécurité de ses ressortissants.
Cette "Europe forteresse" a été ébauchée par les ministres de l'Interieur de l'Union lors d'une réunion informelle organisée vendredi et samedi par la présidence slovène de l'UE à Brdo Pri Kranju, près de Ljubljana.
"Nous devons trouver un équilibre entre sécurité et droit de circuler", a expliqué l'Italien Franco Frattini, commissaire européen en charge de la justice et de l'immigration, grand architecte de ce nouvel eden européen.
L'Union a ouvert cette année son espace Schengen sans contrôle aux frontières à neuf nouveaux membres --huit pays d'Europe centrale et une île, Malte--, malgré les craintes exprimées par certains de ses membres d'une recrudescence de la criminalité.
Un mois après cet élargissement, le ministre allemand de l'Intérieur Wolfgang Schäuble a dit que ces craintes ne s'étaient pas concrétisées. Et il a repris la formule de M. Frattini: "nous devons combiner liberté et sécurité, sinon l'opinion publique européenne ne nous soutiendra pas".
Son homologue française, Michèle Alliot-Marie, a insisté : "Nos opinions publiques attendent que l'Europe de la sécurité soit l'Europe de leur protection, ce qui impose de la sécuriser contre les risques extérieurs".
Le projet de M. Frattini vise à ficher tous les visiteurs de l'espace européen se présentant à ses entrées terrestres, aériennes ou maritimes.
Empreintes digitales, identifiants biométriques, données personnelles seront désormais réclamés aux visiteurs et stockés dans les bases de données de l'Europe. Le projet est calqué sur le modèle mis en place aux Etats-Unis, mais il veut le dépasser, a déclaré un responsable européen !
"Il serait paradoxal que nous n'ayons pas ce que nous faisons avec les Américains", a commenté Mme Alliot-Marie.
Le Parlement européen s'était montré très mécontent des concessions faites aux Américains dans l'accord encadrant les transferts de données des passagers aériens conclu fin juin 2007.
Le commissaire Frattini a néanmoins poursuivi son projet. Il a soumis aux Etats membres un plan similaire de système européen de stockage des données personnelles des passagers aériens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Il propose désormais à l'Union européenne de compléter ce dispositif par un registre électronique des entrées et des sorties appelé à remplacer le système des visas.
Il s'agirait d'autorisations de voyage qui permettraient de connaître la date d'entrée du ressortissant étranger dans l'espace européen, mais surtout de savoir s'il est reparti ou s'il est resté. "Nous ne pouvons pas tolérer que des personnes arrivées légalement entrent dans l'illégalité", a expliqué M. Frattini.
Le registre créé pour ces autorisations de voyage "intègrera des identifiants biométriques, des photographies, des empreintes et d'autres identifiants", a-t-il indiqué. Cette disposition figurera dans un paquet de mesures que M. Frattini veut soumettre aux Etats membres et au Parlement européen en février pour "améliorer la capacité de l'Union européenne de protéger ses frontières extérieures et éviter l'entrée de personnes suspectes".
"Nous devons travailler avec les pays extérieurs à l'Union européenne pour les aider à développer l'Etat de droit et supprimer les zones grises où se développent les menaces des réseaux mafieux et des terroristes", a renchéri Mme Alliot-Marie, très favorable au projet.