Marine le Pen est au début d'un phénomène d'ampleur qui a pour socle principal le rejet de la classe politique sortante et la volonté populaire de revanche sur des élites défaillantes perçues comme trop cupides.
Depuis février 2011, le Front national a encore changé de "catégorie".
En réalité, son parcours politique a connu quatre étapes.
La première jusqu'au début des années 80 était celle d'une certaine marginalisation. Au début des années 70, le FN réalise des scores de 2 % dans le meilleur des cas. En 1974, JM Le Pen se présente à la présidentielle et fait 0, 74 % des suffrages. En 1981, JM Le Pen n'est pas candidat à la présidentielle car il n'a pas pu obtenir les parrainages nécessaires. Son absence ne cause aucun "scandale".
Lors des législatives qui suivent la victoire de F. Mitterrand, il est en position de présenter seulement 77 candidats.
Cette marginalisation prend fin en 1984 lors des élections européennes.
Cette date est le début de la seconde étape : la croissance permanente. De 1984 à 2002, JM Le Pen réalise désormais d'excellents scores électoraux mais il est diabolisé. L'opinion le considère comme "dangereux".
La troisième étape est celle du 21 avril 2002 avec l'accession au second tour de la présidentielle. C'est l'étape de l'acceptabilité. Cette étape recouvre deux mouvements difficilement quantifiables individuellement tant ces sujets sont subjectifs. Faut-il parler d'une droitisation de l'opinion ou d'une modération de Le Pen ?
Il est certain que l'opinion s'est durcie dans certains domaines. Ce faisant elle est allée dans le sens des idées du FN. Cette évolution a d'ailleurs des racines étonnantes. Par exemple, les enquêtes réalisées après les émeutes urbaines de cette époque ont attesté d'une poussée du FN dans les zones rurales qui n'avaient pas été exposées aux émeutes en question...
A cette époque, le Front National est d'abord la France des peurs. Mais dès cette époque, des chiffres permettent d'apprécier le potentiel :
- en 1997, le niveau d'adhésion des Français aux 4 dossiers clefs du FN (immigration, sécurité, défense des valeurs traditionnelles et critique de la classe politique) oscillait entre 12 et 31 %. A fin décembre 2005, le score le plus faible d'adhésion était de 22 % (et non plus 12 %). Le score le plus élevé était passé à 33 %,
- si on devait dissocier ces thèmes de la question sur l'approbation du Front National, la progression serait encore plus considérable pour atteindre parfois 73 % de l'opinion par exemple sur le thème de la défense des valeurs traditionnelles.
Depuis février 2011, Marine le Pen opère une mutation : le Front National devient le symbole de "l'autre politique", celle qui refuse le système établi depuis le politiquement correct jusqu'aux méthodes traditionnelles. C'est le vote des révoltes face à la crise. C'est la révolution conservatrice. Les sondages sont au rendez-vous et donnent désormais de nouveaux seuils. Il est techniquement possible de voir Marine le Pen au-dessus du seuil des 25 % courant le printemps 2011 …
C'est une nouvelle donne culturelle mais aussi une nouvelle donne politique.
C'est une réelle mutation dans la vie politique française. L'offre traditionnelle doit entièrement se remettre en cause parce qu'elle ne répond plus à la demande ou du moins à une forte partie de la demande.
Le "coefficient de sympathie et de proximité" avec le FN new look porte des bombes à retardement. Ce n'est pas la correction éventuelle et marginale d'un sondage qui pourra longtemps les cacher.