Le Discours d’un Roi

Certains films sont classieux (merci Serge) par essence. Et Colin Firth semble avoir le don de les repérer de loin. Un an après l’excellent A Single Man, l’acteur revient en roi d’Angleterre pour cette histoire intimiste dans les coulisses de la famille royale au cœur des années 30, époque charnière et décisive. Un classique, déjà.

Futur roi d’Angleterre, Edouard a la plus grande difficulté à s’exprimer en public, souffrant d’un bégaiement atroce dès qu’une pièce contient plus de trois personnes. Difficile à assumer, et au quotidien de représenter un peuple (un empire) avec ce blocage. Rencontrant les plus grands spécialistes, sans aucune réussite, il se tourne alors vers un docteur des plus modernes, Lionel Logue. Ce dernier lui apprendra quelques techniques, non pour le guérir, mais pour lui permettre de se maitriser au bon moment. Surtout lorsque son frère, héritier du trône, décide d’abdiquer pour lui laisser sa place, et qu’Hitler commence à envahir l’Europe… Histoire vraie, et véridique, Le Discours d’un Roi nous plonge dans une époque charnière de la royauté d’Angleterre, son passage à l’âge moderne et les années sombres de la guerre (et celles qui précèdent). Colin Firth campe à merveille un roi complexé par son handicap, désireux de briller mais reléguer à l’arrière plan à cause de cela. A ses côtés, un casting lui aussi royal qui comble ses deux heures de film sans coup férir. A peine commencé, déjà terminé, voici une brillante histoire sans ennemis ni effets spéciaux, qui repose sur ses acteurs, ses dialogues et ses situations. Un véritable film d’école parfaitement réussi dans ses moindres détails, un classique instantané.

Et c’est amplement mérité. Sa pluie de récompenses pas vraiment volées (au détriment de films plus novateurs, certes), Le Discours d’un Roi explore l’individu derrière la couronne, peignant le couple royal avec audace et précision, celui d’adultes du milieu du XXe siècle, encore accrochés à leurs anciennes règles, et prenant le pas de la modernité avec prudence. Car le film traite du problème vocal du roi, mais parvient à explorer surtout l’époque, notamment dans l’entourage du roi. Dernier souverain classique avant les grandes réformes post guerre, Edouard sera surtout le roi de la Seconde Guerre Mondiale, symbole du peuple et de la résistance. Il était donc nécessaire qu’il s’affirme dans ses paroles, et derrière cette petite histoire aux conséquences importantes, nous avons la grande Histoire en marche. Le rôle assez curieux de Logue est la pièce manquante pour passer du côté moderne de l’histoire. Filmant avec soin, des cadres très posés à certains moments, ou une caméra à l’épaule pour d’autres, Tom Hooper arrive à une certaine maturité, après avoir rôdé dans les séries télévisées anglaises, non sans succès également.

Au final, Le Discours d’un Roi est très classe, et nous montre que Colin Firth est depuis quelques années l’acteur qui sait choisir ses projets. Entouré par de très bons artistes devant et derrière la caméra, voici un film comme il en faudrait plus souvent. Intelligent.