Récit - Editions Grasset - 179 pages - 15.00 €
Parution en janvier 2011 - Nouveauté
L'histoire : « Tout cela a duré moins d’une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l’endroit ou rester....La terre s’est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte....Bruits sourds des immeubles en train de s’agenouiller.... Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre. Soudain, on voit s’élever dans le ciel d’après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière ..."
Nous sommes le 12 janvier 2010, 16h53 à Haïti. L'écrivain Dany Laferrière est dans sa ville natale. Il raconte.
Tentation : La blogosphère
Fournisseur : La bib'
Mon humble avis : Il y avait le 11 septembre 2001... Il y a aussi le 12 janvier 2010. On se souvient tous de ce que nous faisions "au moment de" le 11 septembre, mais déjà beaucoup moins, voire pas du tout du 12 janvier. Le 12 janvier 2010, à 16h53, Haïti subissait le pire séisme de son histoire. Bilan : 230 000 morts, 300 000 blessés et 1.2 million de sans abris.
Un an après, Dany Laferrière se souvient. Il était alors à Port au Prince (la capitale) pour un festival. Avec un ami journaliste, il attendait un homard au restaurant de son hôtel.
L'auteur décrit les faits. Il met des mots adaptés sur des images qui ont tourné en boucle sur les TV du monde entier. Il constate. S'interroge. Il ressent et nous expose son point de vue sur une multitude de sujets. Il nous offre surtout son "regard multiple" sur les conséquences d'une catastrophe naturelle énorme. C'est Dany Laferrière l'écrivain qui raconte, mais aussi l'Haïtien, le journaliste, l'exilé (Il vit au Canada), le fils, le frère, l'ami et l'anonyme, l'un parmi des milliers, l'homme. Un regard aussi intérieur qu'extérieur mais souvent tout autre que celui proposé par les médias présents à l'époque. Un regard qui voit bien au delà de la caméra, avant, pendant, après.
Une idée, une émotion, la culture, l'art, la place des médias, la légitimité des uns, une rencontre, une colère, une souffrance, un détail ou la mort, un espoir, la survie... Autant de sujets prétextes à quelques lignes ou une ou deux pages. Toutes sont marquantes, remettent en cause nos idées reçues ou nous invitent à nous interroger. Cet ouvrage interpelle vraiment et me laisse plutôt sans voix d'émotions et de respect. Que dire après tout cela. Se souvenir est important.
Certes, ce livre traite d'un terrible désastre naturel et humanitaire, mais il ne règne dans ces pages aucun misérabilisme, ni catastrophisme, ni pathos. Plutôt de l'optimisme parfois. L'écriture est sobre, poétique aussi, jamais prétentieuse et toujours juste. L'émotion est mesurée, le sensationnel banni. Une certaine pudeur évite le voyeurisme malsain. Les réactions des survivants sont très bien expliquées.
A quelques détails près, je méconnaissais vraiment Haïti. Avec ce livre, j'ai découvert un peuple digne et fier, cultivé, courageux, joyeux, très riche de son histoire et de ses luttes, qui s'est toujours battu pour se relever. Je pensais lire le tremblement de terre, j'ai lu Haïti, et un auteur magnifique qui met son art au service des siens.
Cette lecture a vraiment été captivante et très enrichissante pour moi. Je vous conseille du fond du coeur ce formidable hommage au peuple Haïtien. Et Haïti n'est pas, médiatiquement, le centre du monde comme New York. Elle pourrait retomber dans l'oubli.... Ce livre lui rend dignement sa place.
On ne recommence rien, c'est impossible d'ailleurs. On continue. Il y a des choses qu'on ne pourra jamais éliminer d'un parcours : la sueur humaine.... Une culture qui ne tient compte que des vivants est en danger de mort.
La mort, quand elle arrive de manière si inattendue et massive, ne quitte pas facilement notre esprit. C'est tellement grand qu'au lieu de nous plonger dans la tristesse, je sens plutôt monter lentement une sensation proche de l'ivresse... Et puis il y a la simple joie d'être encore en vie.
J'ai l'impression que le monde puise dans la même banque d'images. Ce sont des images si puissantes qu'elles cachent le reste. Comment font ils ce choix ? Ces images sont elles naturellement accrocheuses ou est-ce la répétition qui nous les rend familières ? Je sens qu'on est en train de nous confectionner une mémoire.
Ce pays a besoin d'énergie et non de larmes.
Le client obéit au plus fort mais écrase le plus faible. C'est ainsi qu'il cherche à équilibrer son budget.
On a remarqué que ceux qui se révèlent exceptionnels dans les moments difficiles sont souvent gauches dans la vie quotidienne.
Une nouvelle ville qui nous forcerait à entrer dans une nouvelle vie. C'est cela qui prend du temps. Ce temps qu'on refuse de s'accorder.
Mais si en Haïti on a peur une minute, il arrive qu'on danse la minute d'après...
L'avis de Clara, de Midola et Sylire