Dans Les Echos du 3 mars, le chef Alain Dutournier explique que la gastronomie française ne vit pas des heures délicates ou un déclin claironné, bien au contraire, « partout dans le monde où l’on ouvre un restaurant exceptionnel, partout on a recours à un chef français ou formé en France ». Et pour qui connaît un peu le Japon —pour ne citer que ce seul pays—, rencontre des chefs qui vénèrent la cuisine française et pour beaucoup ont fait leur classe sous nos cieux. Ce n’est pas tout à fait un hasard si lors de sa première édition japonaise, le guide Michelin a décerné une moisson d’étoiles aux restaurants de l’archipel.
Dans son interview (fleuve, il fait une page entière du quotidien), Alain Dutournier évoque d’autres cuisines appréciées et connues partout comme celle d’Espagne ou d’Italie, « très faciles à comprendre, car elles reposent sur une variété limitée de produits. » Selon lui, « ces gastronomies méditerranéennes restent rudimentaires »… Est-ce pour cela que des chefs espagnols comme Ferran Adrià se sont lancés dans la cuisine moléculaire ? Une gastronomie qui « avec très peu de matière et beaucoup d’arômes de synthèse permet d’épater les nouveaux mangeurs. C’est du vent aromatisé »… Jolie formule qui résume bien la teneur ludique de cette cuisine marginale mais attractive, loin des recettes pleines et charnues de la gastronomie française qui laisse parfois sur sa faim.
Face à une globalisation des modes et des tendances, des mythes et des rites, le grand chef du Carré des Feuillants place la cuisine française au plus haut comme la cuisine chinoise, aussi sophistiquée et variée. « L’une domine l’Occident, l’autre l’Orient. L’une et l’autre ont en commun la même tradition d’exportation », distille-t-il. Avec un bémol, les restaurants chinois qui colorent les rues de nos villes, sont souvent de médiocres gourbis, mais peut-on les qualifier de restaurants chinois ? Dans sa phase d’expansion rapide et bien décidé à bouffer le monde, l’Empire du Milieu va peut-être délier les papilles des gourmets du monde entier, les palaces chinois qui s’ouvrent dans la capitale en sont les prémices…
Reste que le Collège culinaire de France va devoir mouiller le tablier pour stimuler son pré carré, car chez nous comme ailleurs, nombre d’établissements « français » sont bien loin des standards gourmets de ces collégiens étoilés.
Photos : Collège culinaire de France