L’idéologisation de l’espace universitaire, différente de sa politisation nécessaire ( le politique n’étant pas nécessairement idéologique) peut, dans certaines conditions, nuire au bon fonctionnement de notre système de formation et n’est pas étrangère au fait que, jusqu’à présent, la gestion politique de l’Enseignement Supérieur est réputée difficile et que les différentes réformes de ce dernier, n’ont pu échapper aux débats à caractère idéologique, empêchant par la même, que l’on se pose les vraies questions, en relation avec les différents enjeux historiques auxquels la Tunisie a du faire face, depuis plus d’un demi siècle.
Cette idéologisation de l’espace universitaire et partant de la question de l’Enseignement Supérieur, fait que quelle que soit l’importance d’une réforme, les questions quelle soulève et les débats dont elle est l’objet, sont souvent focalisés sur des problèmes de gestion administrative et ceux provoqués par sa lecture idéologisée.
Aux yeux de certains collègues[1] une réforme est évaluée, non pas en fonction de son contenu en tant que mode de formation, en relation avec les objectifs et les moyens qui y sont proposés, mais en fonction du mode de prise de décision qui a été à l’origine de son élaboration, en tant que projet. Il en est de même du débat que pourrait soulever l’autonomisation progressive des universités et des institutions qui en dépendent, dont on ne souligne, à l’occasion, que la nécessité d’en désigner les responsables par le recours à des élections démocratiques. Cela consiste, à prendre une institution d’Enseignement Supérieur, pour un conseil municipal et de ne pas tenir compte de ce qui fait la spécificité de la gestion d’une entreprise de formation et de recherche, qui doit faire appel à des compétences autres que celles déléguées, par un vote, dont les effets d’appartenances, idéologique, syndicale ou bien tout simplement clanique, détournent, souvent, la fonction, de sa finalité pédagogique.
Cette vision idéologisée de notre espace universitaire, pourrait faire croire, que la généralisation du régime LMD à l’ensemble des pays de l’Union Européenne, serait le résultat de l’hégémonie du pragmatisme américain auquel l’Europe, « la Vieille » serait, désormais, acquise. Mais du côté de l’administration on n’est pas moins idéologisé, puisque reprenant cette même logique celle-ci prétend que l’adoption, par la Tunisie, de ce même régime LMD, ne serait qu’obligation de se conformer aux réalités internationales nouvelles.
En réfléchissant de la sorte, on commet l’erreur de sous-estimer les capacités de discernement des pays européens, qui n’ont pas adopté le régime LMD par simple réalisme et nécessité d’adaptation à l’esprit d’une époque, dont les américains seraient les seuls véritables maîtres.
Pourtant, pour peu que l’on accepte de faire l’effort de se dégager de ces habitudes de penser habitées par l’idéologie, l’on pourrait se rendre compte qu’il ne s’agit, pour la Tunisie, ni d’adopter, ni d’adapter, un régime de formation et d’études universitaires dont le contenu est toujours spécifique et qu’il serait surtout plus opportun de rechercher méthodiquement les moyens endogènes qui permettraient à notre système de devenir qualitativement performant.
[1] C’est ce que l’on peut observer dans l’attitude dont a fait montre, le collègue Ahmed Ibrahim, lors de son bref passage à la tête du Ministère de l’Enseignement Supérieur, au sein du Gouvernement de transition, après la Révolution.