Le jet d’eau
Je suis semblable à un jet d’eau abandonné
qui continue, tari, d’écouter sa rumeur.
sur ses lèvres de pierre, le bouillonnement
s’est figé, tout comme le mien dans mes entrailles.
Je crois que le destin n’est pas venu encore
fendre par le milieu ses terribles paroles ;
et que rien n’est fauché et que rien n’est perdu,
que si je tends mes bras je devrai te trouver.
Je suis semblable à un jet d’eau devenu muet.
Un autre dans le parc élève maintenant
sa chanson ; mais comme follement assoiffé,
il rêve que le chant s’abrite dans son coeur !
Il rêve qu’il projette en trilles vers le ciel
des bouclettes d’écume. Et sa voix s’est éteinte !
il rêve que l’eau, de ses beaux diamants vivants
dilate sa poitrine. Et Dieu l’a asséché !
(Gabriela Mistral)