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Asian Dub Foundation
‘A History Of Now’
Cooking Vinyl/V2
Un peu comme un président US fait son discours sur l’état de l’Union tous les ans, ADF nous pond un album à peine moins régulièrement. Pour ce qui doit être pas loin de leur dixième plaque, le groupe commente l’état de l’humanité de notre planète… tout un programme. Toujours aussi revendicatif et détonnant, ADF s’épanche sur de nombreux thèmes comme la crise financière (‘Where Is The Money Gone’ sur un riff rock à l’arrache), le changement climatique, l’uniformisation des masses, les nations « under CCTV », l’amalgame religieux (‘Temple Siren’). Bref des fois que vous n’ayez pas suivi l’actualité ces deux dernières années, ADF vous refait un petit topo. À l’écoute de ces belles intentions contestataires et, pourvu que vous y ajoutiez une solide dose de Rage Against The Machine, des lampées de Clash et quelques discours du Mouvement des droits civiques US, vous serez tellement boostés que vous irez direct fomenter les prochaines révolutions au Proche-Orient, atomiser les extrémistes religieux de tout bord et moraliser le capitalisme à N-Y. Ne dites pas que vous n’avez pas été prévenus. ADF m’a même assuré que ce disque serait efficace contre les extrémismes nationalistes nordistes, mais là, j’ai des doutes. Contre ça, il suffira à tous de se rappeler ceci quand il y aura des élections : « you can fool some people some time but you can’t fool all the people all the time ». (jd)
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Paris Suit Yourself
‘My Main Shitstain’
Big Dada
Comme dit Jamel à Stromae « excuse-moi mais c’est pas de la merde que tu fais là ? » -« Ah oui oui tout à fait », voici la principale trace de merde autoproclamée d’un quatuor franco-berlinois, Paris Suit Yourself. Bordelais d’origine compromis dans la hype snobs parisienne, ils se taillent à Berlin et rencontrent leur futur batteur, un maniaco classico-death-metal. Mélange détonnant de riffs punk concassés au mini Korg, d’éructations afro-rap et de rythmes polymorphes, cette arnaque bien ficelée est paraît-il encore plus spectaculaire sur scène : ces quatre fous bondissent dans le public prenant à parti les spectateurs plus bluffés qu’offusqués. Sûr qu’ils ne font pas dans la dentelle, comme en témoigne cette citation de la bassiste lorsqu’on lui tend son disque : « non merci c’est de la merde ». Et preuve qu’on peut faire des trucs dingos avec trois fois rien quand on déssert les fesses et qu’on arrête de se prendre la tête. Agressif, drôle et exalté, cet album est pour le label Big Dada un grand écart qui va laisser des traces au fond des calbars vu qu’il fait une incursion rock on ne peut plus fracassante. (jd)
Maceo Plex
‘Life Index’
Crosstown Rebels
Ça commence plutôt bien pour Maceo Plex qui n’est autre que le producteur techno Maetrik. S’essayant à un autre type de production, il nous sort donc un album de house présentant une veine légèrement funky très bienvenue, comme en témoigne d’emblée un ‘Gravy Train’ gonflé au G-funk. ‘Sleazy E’ est un titre où l’on se poste en observation avant une bataille que l’on devine déjà épique, tout entouré de cordes fantomatiques qui viennent faire monter un peu l’angoisse. Pourtant sur le titre suivant démarrant sur un fond de caisse à la ‘Billie Jean’, Maceo fait descendre un peu le tempo et fait cliquer quelques couches et birbes de claviers house sur des hoquets crescendo impromptus. Ces beaux travaux sur les sons découchent ensuite sur ‘Silo’ et ‘You & Me’ moins captivants. Un peu refroidi, on écoute ‘Vibe Your Love’ avec amusement pour ces vocals très Stevie Wonder comme passé au ralenti. Quelques bons titres viennent dynamiser le propos ça et là (‘Dexter’s Flight’ style Detroit) mais 78 minutes avec l’impression parfois de tourner bien en dessous des bpm autorisés c’est long, c’est lent. Globalement on a pourtant un vrai album de house présenté sous forme de mix continu et offrant de fort belles recherches sur les sons (les vocals notamment). Mais peut-être Maceo aurait-il eu avantage à élaguer un peu son propos car en fin de parcours, on est dégrisé comme le vieux Zangra de Brel qui a passé sa vie à attendre la bataille du haut de sa forteresse. (jd)
Stateless
‘Matilda’
Ninjatune
Sur ‘Matilda’ reviennent certainement la combinaison de story-telling et de songwriting, mais force est de constater qu’elle fait une fort belle incursion dans les territoires électroniques. Avec l’aide du producteur Damian Taylor (Bjork et Prodigy), on se retrouve au centre de paysages desquels remontent d’oblongs sons électroniques dubsteps mêlés à des arpèges de guitares afro au milieu desquels plane une complainte mélodieuse due au chanteur du groupe, Chris James (‘Ariel’). Celui-ci nous invite à parcourir ses univers sonores dans une sorte de course de fond mise au ralenti par ses tempos pesants sans être oppressants, notamment grâce aux divers sons exotiques que l’on croise, offrant à ce rêve obsessionnel, une part de réalité à laquelle se raccrocher. Hallucination des espaces infiniment grands, ‘I’m On Fire’ s’écoute très fort et tisse avec grâce et légèreté un écran plein d’utopie et de paranoïa qui n’en pas sans rappeler un certain Thom York. Sur ce titre et les suivants, les arrangements orchestraux tiennent une place qui tendent à dramatiser quelque peu le propos voire à l’ampouler comme sur la fin de ‘Song For The Outsider’. Au bout du trip, on a croisé bien des caractères sombres, bizarroïdes ou étincelants, habitants d’une tapisserie sonore brodée de mélodies angoissantes et de sons remarquablement modernes et ambigus. (jd)