Christian Delporte tire le portrait des grands « séducteurs » politiques
Maxime Bellec - Marianne | Dimanche 6 Mars 2011 à 12:01
Christian Delporte publie le 9 mars prochain « Une histoire de la séduction politique », petite galerie de portraits des grands communicants de l'histoire politique. Il prend le parti d'y englober aussi bien Néron et Caligula que Barack Obama et Sarah Palin sous la même grille de lecture de la « séduction ».
(Wikimedia Commons - Cecil Stoughton - cc)
Vaste chantier pour Christian Delporte que de retracer l'histoire d'une pratique qui est une arme féroce de la politique, et qui a tant évolué, de l'Empire romain au sourire éclatant de Barack Obama. L'idée est osée et discutable d'unifier sous un même mot les aptitudes naturelles à la séduction, le charisme inné et la construction d'une image qui n'a elle rien de naturel, que l'on connait davantage sous le nom de communication ou de marketing politique. Une image qui sert plus à construire une image factice qu'à en amplifier une réelle. Du héros auréolé de sa propre gloire à la bimbo berlusconienne, en passant par le culte de la personnalité des dictateurs, y aurait-il un véritable point commun ? C'est celui de la séduction politique que semble avancer Delporte.
Il est vrai que s'il y a un fil rouge dans le livre (1), c'est celui de l'appréciation variable de la notion de séduction en politique à travers l'histoire. Du dictionnaire de l'Académie française à Jean Baudrillard, la séduction en politique est considérée comme un trompe-l'œil qui pervertit la force de conviction, la raison. Delporte défend l'idée qu'elles sont intrinsèquement liées, et que ce n'est que récemment que les politiques ont commencé à construire sans s'en cacher leur capital de séduction… souvent au détriment des idées ! L'histoire glisse donc vers une séduction de plus en plus décomplexée… probablement à mesure que les hommes politiques perdent de leur pouvoir réel, diront certaines mauvaises langues.
Si ce constat est juste, il n'est pas spécialement nouveau. Peu de lecteurs apprendront ici que la société du spectacle a gangréné le discours politique et que le règne de l'image semble inversement proportionnel à la faillite des idées. Il est dommage que Delporte s'en tienne à une histoire de la séduction politique, tant on souhaiterait parfois qu'il approfondisse son récit. Pourquoi ne pas aller plus loin dans la critique de ce processus de communication ? A chaque fois que l'auteur s'en approche, il passe rapidement à un autre personnage, un autre chapitre. Et le lecteur est malmené de passer aussi brutalement de Benazir Bhutto à Jeanne d'Arc, ou de Louis XIV à Raspoutine…
Riche de personnages, le récit fourmille de ces anecdotes historiques qui font la proximité entre les grandes figures politiques et le peuple. Bien documentées, elles raviront les amateurs d'histoire qui les découvrent, quand bien même elles restent pour la plupart assez connues. La télégénie de Kennedy, la familiarité de Jacques Chirac avec le petit peuple, celle de Napoléon avec ses soldats, n'ont rien de la révélation historique. Mais tout cela reste suffisamment bien écrit pour s'y replonger sans bouder son plaisir.
La volonté du professeur d'histoire et journaliste Christian Delporte (il dirige la revue Le Temps des Médias et fait partie des contributeurs d'Atlantico) est donc de proposer une « histoire » de la séduction politique. Son histoire n'a pas choisi de s'attacher à une chronologie stricte qui dresserait une fresque de la séduction politique en plusieurs époques. C'est un choix que l'on lui accorde, puisqu'il ne propose qu'une histoire de la chose, sans avoir la prétention d'en devenir l'auteur de référence. C'était davantage la vocation d'ouvrages comme La Révolution Française de Furet et Richet, ou Histoire de France de Bainville, par exemple. Dès lors que son ouvrage est surtout un trombinoscope - qui se lit très bien - des séducteurs politiques à travers l'histoire, on pourra se référer à son imposante bibliographie pour aller vers d'autres cieux plus spécialisés.
(1) Une histoire de la séduction politique, Flammarion, sortie le 9 mars 2011, 20 euros.
Source : http://www.marianne2.fr/Christian-Delporte-tire-le-portrait-des-grands-%C2%A0seducteurs-politiques_a203393.html