Mon cher ami (cette fois, les statistiques sont formelles, je n’ai plus qu’un seul lecteur. Mon deuxième lecteur le plus assidu était Hosni Moubarak avant que la canaille révolutionnaire ne lui coupe l’accès à Internet. Maintenant, je me trouve presque seul, abandonné comme Michèle Alliot-Marie sur le tarmac désert d’un aéroport. Enfin bref, l’heure n’est pas à la mélancolie mais à la philosophie.
Ce matin, j’ai écouté par hasard une conférence de Michel Onfray sur le philosophe Max Stirner, présenté comme un des pères de l’anarchisme. (Bon, comme je vis en Angleterre, je ne suis pas tombé dessus totalement par hasard… J’avais le choix entre Stirner et Britney Spears, j’ai choisi Stirner)
Max Stirner, de son vrai nom Johann Kaspar Schmidt (Bayreuth, 25 octobre 1806 – Berlin, 26 juin 1856), est un philosophe allemand appartenant aux Jeunes hégéliens. Il est considéré comme un des précurseurs de l’existentialisme et de l’anarchisme individualiste, bien qu’il ait lui-même toujours refusé le qualificatif d’anarchiste. Il est l’auteur, en 1844, d’un « livre-comète », L’Unique et sa propriété, qui connut un grand retentissement à sa sortie avant de tomber assez vite dans l’oubli. Sa philosophie est un réquisitoire contre toutes les puissances supérieures auxquelles on aliène son « Moi », et Stirner vise principalement l’Esprit hégélien, l’Homme feuerbachien et la Révolution socialiste. Stirner exhorte chacun à s’approprier ce qui est en son pouvoir, indépendamment des diverses forces d’oppression extérieures au Moi.
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Max Stirner est un personnage complexe, dont la pensée peut être récupérée par des individus de tous bords politiques. Pour la droite, Stirner fait l’apologie d’un certain darwinisme social. Le fort l’emporte sur le faible, le riche sur le pauvre. Les riches ne sont pas responsables de la misère. Ce sont les pauvres, par leur faiblesse et par leur lâcheté qui acceptent la pauvreté. Il s’oppose radicalement à l’idée d’état-providence pour modérer les inégalités. En ce sens, il est radicalement antisocialiste et anticommuniste. Il ne reconnait pas le droit de propriété comme un droit inaliénable, mais comme le reflet d’une situation de force. Je détiens les biens que je suis assez fort pour défendre.
Pour la gauche et l’extrême-gauche, Stirner est un chantre de l’insurrection. En simplifiant le trait, il dit au prolétariat : N’attendez pas que l’État vous donne des droits. Prenez-les. Dans l’Unique est sa propriété, il écrit : « S’il n’y a plus de soumission, il n’y a plus de domination. » La force fait le droit, si vous êtes assez forts et assez nombreux, prenez les droits qui vous reviennent. On retrouve l’esprit du discours sur la servitude volontaire de La Boétie (1549) « Soyez résolus de ne servir plus et vous voilà libres. »
Tout au long de cette conférence, j’ai eu l’impression d’entendre une chanson de Didier Super traduite en discours philosophique : « Y’en a marre des pauvres ». Dans cette chanson, il écrit, entre autres, « Les pauvres y font aucun efforts pour devenir riches ! (…) Les pauvres quand y travaillent, y enrichissent les riches, du coup faut pas qu’y s’étonnent, pasqu’y sont toujours aussi pauvres ! »
Cette chanson est clairement une parodie du discours un peu méprisant de la droite sur les pauvres, renvoyés à leur paresse, à l’assistanat et à leur manque d’initiatives.
Cela dit, on peut également deviner une critique des pauvres derrière les excés de la caricature. Les pauvres se laisse écraser par le système et participent objectivement à l’enrichissement des plus fort. Nous aurions tort de prendre Didier Super seulement pour un clown. Sous l’apparence de la gaudriole, il s’agit d’un appel à la résistance. Si cette thèse est exacte, Didier Super est bel et bien un héritier de La Boétie et Stirner. C’est une nouvelle remise en cause de l’histoire de la philosophie à laquelle je vous invite.
Pour ceux qui ne connaissent pas Didier Super, je vous préviens, cette vidéo, c’est du brutal. Âmes sensibles s’abstenir.