En Libye, le printemps arabe tourne au drame : Kadhafi, qui a cessé de prendre ses ordres en Occident, a organisé une répression radicale de la rébellion sans s’encombrer d’inhibitions doits-de-l’hommistes. Résultat : les affrontement sont sanglants, la situation indécise. Outre sa garde personnelle, il s’appuie sur 30 000 mercenaires recrutés notamment dans divers pays d’Afrique, d’un niveau militaire souvent fort médiocre : ce pourrait être un facteur d’échec pour lui. En face, il y a plus islamiste que lui. Si cette révolution l’emporte, elle pourrait déboucher sur l’avènement d’un gouvernement d’inspiration théocratique comme celui de Téhéran.
Un nouveau choc pétrolier
Les Américains sont tentés par une opération militaire visant à destituer Kadhafi et à installer un gouvernement pro-occidental visant à préserver leurs intérêts pétroliers. Ceux-ci sont, en effet, menacés par les désordres libyens qui ont fait dépassé au cours du pétrole la barre symbolique des 100 euros. Les investisseurs s’inquiètent aussi d’une contagion des troubles à l’Arabie saoudite : des manifestations de chiites ont agité l’Est du pays. Alan Duncan, ancien trader du pétrole devenu ministre du Développement international, estime que la crise arabe pourrait porter le prix du baril de brut à 200 dollars, voire 250 dollars en cas d’attaques terroristes sur les installations pétrolières.
Un nouveau choc pétrolier menace la fragile reprise économique mondiale. Voilà un effet rétroactif de la géopolitique sur la crise économique mondiale. Jusque-là, celle-ci avait joué le rôle de déclencheur dans les révolutions arabes : la hausse des prix du sucre et de l’huile avait exaspéré les populations tunisienne et égyptienne, provoquant leur mise en mouvement. Cette dernière a, elle-même, commencé à déstabiliser les économies de ces pays, entrées dans un maelström de grèves et de revendications salariales propres à leur faire perdre leur avantage compétitif dans la mondialisation, et d’agitation politique de nature à effrayer les investisseurs en tout genre. Les tours-opérateurs français déplorent une diminution des réservations touristiques pour la Tunisie de 60 à 70 % par rapport à l’an dernier. Bien que préservées pour l’instant de la vague révolutionnaire, la Syrie et la Jordanie enregistrent une diminution de moitié de leurs réservations. Les pays européens en profitent : les réservations pour la Grèce et l’Espagne ont bondi de 70 %. Les économies des pays arabo-musulmans qui sont largement tributaires du tourisme sont frappées de plein fouet par « le printemps des peuples arabes ». La paupérisation qui menace ces pays multiplie les risques d’échec pour les « gouvernements démocratiques » au profit des islamistes radicaux.
L’affrontement Islam-Occident à venir
Le dévissage des économies égyptienne et tunisienne provoqué par le printemps arabe sera sans conséquence sur la reprise mondiale : ces économies, principalement fondées sur le tourisme, l’immobilier et l’aide internationale, pèsent peu à l’échelle de la planète. Il n’en va pas de même pour la Libye, quatrième exportateur de pétrole de l’Afrique. Les pays arabo-musulmans détiennent plus des deux tiers des gisements pétroliers mondiaux : l’instabilité qui se propage dans ces pays est de nature à emballer toujours plus le prix des hydrocarbures.
Aussi les Américains sont-ils tentés par une intervention militaire en Libye : ils rapprochent leur flotte de ses côtes. Mais voilà : il est à craindre qu’un débarquement occidental, fût-il sous l’égide de l’ONU, soit interprété par « la rue arabe » comme une guerre de conquête menée par l’Occident. C’est que la psyché collective dans le monde arabo-musulman se tourne progressivement contre l’Occident, de plus en plus perçu non comme un modèle, mais comme un ennemi. Ce sont les prémisses du choc Islam-Occident à venir.