Place : (pla-s') s. f., espace, lieu public découvert et environné de bâtiments ; espace qu'occupe ou que peut
occuper une personne.
Les révolutions semblent dorénavant s'écrire sur les places
publiques. Place Tahrir récemment au Caire, Tian'amen voici quelques années à Pékin. Le vide central de la ville serait-il l'arme du peuple ? Pour répondre à cela il faut revenir sur la
dualité de sa définition.
La place appartient au vocabulaire de l’urbanisme en se
présentant comme l’espace public par excellence et l’élément central de composition urbaine classique à l’image du moyeu d’une roue. Elle appartient à la triplicité de l’espace chère à Henry
Lefebvre : espace vécu, représentation de l’espace et espace de représentation. La place est le lieu archétypal de la rencontre collective, vécue et perçue comme telle à travers le monde.
Espace de représentation, on y édifie statues, mausolées ou fontaines tandis qu'on la borde le plus souvent de bâtiments martiaux pour impressionner le peuple. L'espace devient symbole. On pense
à l’empattement de la Place rouge de Moscou, mais aussi à Time Square à New York où se déploient les signes d'un capitalisme libéral sous la forme de murs publicitaires revêtant les
tours.
La place comme espace vécu permet à chacun de prendre place
dans une revendication collective et dans la société. La place devient alors le lieu de la contestation lors de l’accaparement de l'espace public par le peuple. Renversement du signifiant, La
place ne vaut plus par la grandeur du cadre architectural qui la borde mais par sa qualité spatiale à rassembler la foule. A l'opposé des rues et des avenues poussant aux processions, au
mouvement, la place impose l'immobilité comme l'affirmation d'une volonté: l'occupation jour et nuit devient alors un enjeu pour les insurgés et les forces de l’ordre voulant les déloger.
D'autant que la place se trouve au nœud des artères vives de la ville au point d'avoir été érigée en point focal de beaucoup de cités. Dès lors son occupation suffit à produire une visibilité à
des revendications en bloquant la circulation et en paralysant la ville.
Un phénomène interfère depuis peu dans la représentation des revendications dont l'incarnation
passe par l'occupation des places centrales: la couverture médiatique de l'évènement par les médias internationaux. La place se transforme alors en arène à l'image d'un stade de football dont les
télévisions maitrisent la prise de vue. A l'occupation de l'espace urbain répond le campement des cameramen et la retransmission des images sur les écrans de télévisions du monde entier avec
l'impression d'un transfert de l'espace public au rectangle de l'écran. Loin de l'immobilité, l'occupation d'une place provoque un mouvement propre à mettre en marche un peuple et à susciter
l'intérêt du monde. A la définition du départ, il faut donc ajouter localisation d'évènement à portée médiatique