Le pilote. C'est une première rencontre avec l'univers d'une série qui peut aussi bien n'engager en rien le futur de la fiction que sceller sa destinée. Sa fonction première est bien entendu de capter l'attention du téléspectateur pour s'assurer qu'il reviendra, mais tant de facteurs et de variables entrent en compte pour sa conception, de la prise en main progressive d'un concept non encore maîtrisée, aux évolutions que le projet peut subir ensuite, à l'épreuve de l'écriture des scénarios et des réactions du public ou des décideurs... Des pilotes se cherchant encore ont pu engendrer des séries qui sont devenues de grands classiques ; à l'inverse, la réussite du premier épisode se révèlera parfois sans lendemain.
Comment dans ces conditions parvenir à désigner le "meilleur pilote" ? Cet épisode est rarement le plus abouti d'une série, laquelle de par son format est destinée à acquérir dans la durée sa pleine dimension. Mais il est cependant celui qui peut la faire partir sur les meilleures bases possibles. Par exemple, le recentrage narratif sur la fonction présidentielle et le staff en général qui s'opéra dans A la Maison Blanche après le pilote ne remet ainsi pas en cause le fait que l'épisode est une porte d'entrée parfaite dans l'aile ouest, en dépit de l'arrivée seulement finale d'un président qui reste durant tout l'épisode une figure tutélaire absente.
C'est donc le type de jour du tv meme où il aurait été facile de citer des dizaines de références ; mais c'est finalement sur un pilote extrêmement abouti, qui, instantanément, a fait passer sa série dans une autre dimension, que j'ai arrêté mon choix. Il s'agit du premier épisode d'une fiction devenue - à juste titre - un peu mythique, celui de Twin Peaks.
Le pilote de Twin Peaks est un des plus aboutis qu'il m'ait été donné de voir, sans doute en partie parce que c'est la série en elle-même qui, déjà, est à part. Non seulement pour la diffuse atmosphère énigmatique s'y trouve caractérisée, mais aussi parce que c'est toute l'identité de la série qui s'installe, de l'esthétique visuel à la musique, en passant par l'introduction des personnages. Flirtant avec la frontière floue de la normalité, il offre, derrière l'enquête criminelle qui est la porte d'entrée du téléspectateur, une immersion progressive admirablement maîtrisée dans le cadre si particulier de cette ville. Le soin apporté aux détails est frappant. Le moindre cadre semble réfléchi. C'est une atmosphère aussi indéfinissable que captivante, une étrangeté inclassable que le pilote esquisse sous nos yeux. Et si mes souvenirs sont un peu flous désormais, le magnétisme mystérieux qui émane de l'ensemble demeure gravé dans ma mémoire.
Le générique envoûtant :