A la demande générale (ou presque) voici un article qui traite des suites de l'expertise judiciaire, déjà abordées dans ce billet, mais davantage sous l'angle des délais.
Comme je l'indiquais dans mon précédent billet sur les suites de l'expertise judiciaire, sauf à abandonner toute procédure (par exemple parce que l'expert a donné tort aux demandeurs... oui, ça arrive), il existe deux possibilités: la solution amiable et la solution judiciaire.
La solution amiable
Concernant la solution amiable, c'est variable. Mais cela reste tout de même la solution la plus rapide. Si vous avez en face de vous des gens réactifs et pas trop de monde en cause, un accord peut se conclure en un ou deux mois, règlement compris; cela peut aller plus vite, toutefois, en cas d'urgence (quinze jours...)
Parfois en revanche, la solution amiable est longue. Cela peut arriver soit parce que les négociations durent. Par exemple j'ai vu un cas où tout le monde était d'accord pour le principe de la solution amiable, mais plusieurs mois ont été nécessaires pour négocier précisément les modalités. Il faut savoir que dans ce type de cas, sauf péril en la demeure (et encore...) l'ensemble de la négociation va se faire par courrier, et je peux vous dire par expérience que ça ne se passe pas si rapidement.
En outre, une fois l'accord trouvé, il faut encore que tout le monde signe le protocole. Là aussi, ça se passe généralement par courrier. Autrement dit, l'avocat A fait signer à son client. Puis il envoie à l'avocat B qui envoie le document à son client (au pire) ou fait venir son client à son cabinet pour le faire signer directement (au mieux). Je vous laisse imaginer la vitesse du processus si ça se passe en été... Au pire du pire, il m'est arrivé qu'un protocole, signé par presque tout le monde, soit perdu par la poste entre l'avocat Z et son client... Je vous laisse imaginer l'angoisse, il a fallu refaire toutes les signatures à partir de zéro. Enfin, on y est arrivé mais les demandeurs devaient s'impatienter un peu.
Autre solution, la procédure. On peut agir en référé, ou au fond.
Le référé
Comme je l'expliquais dans des billets précédents consacrés au référé, il s'agit de procédures rapides, où le juge statue selon l'évidence. Il n'y aura condamnation que si l'affaire présente ce caractère d'évidence. Autant dire qu'il ne faut tenter cette procédure que si le rapport d'expertise est clair et facilement exploitable (malheureusement ce n'est pas toujours le cas).
En termes de délais, il faut compter au moins un mois entre le moment où votre avocat finalise le projet d'assignation, et l'audience. Ce délai est en effet nécessaire pour faire signifier l'assignation, parfois à plusieurs défendeurs, et pour leur laisser un délai raisonnable pour se préparer.
Vous allez me dire : mais pourquoi laisser aux adversaires tout ce temps ? Eh bien, en raison du principe du contradictoire. Chacun doit avoir le temps d'examiner les arguments qui sont présentés contre lui, et d'y répondre. Si on ne laisse pas un délai assez important entre l'assignation et le moment de l'audience, il y a de fortes chances que l'affaire soit renvoyée à une date ultérieure. A Paris, par exemple, ce ne sera jamais moins d'un mois.
D'ailleurs, quand on parle de renvoi, il faut savoir que statistiquement, l'affaire fera souvent l'objet d'un renvoi. Parce qu'un confrère a été saisi deux jours avant l'audience par son client, ou parce qu'il est indisponible ce jour-là... Dans ces conditions, le renvoi sera accordé dans 95% des cas et ce n'est pas vraiment la peine de s'y opposer (sauf motif grave), donc autant s'incliner gracieusement.
Dans ce cas, nous en sommes donc à, facilement, deux mois entre l'assignation et la date de la plaidoirie.
Une fois l'affaire plaidée, il faut compter environ un mois pour avoir la décision (rarement moins).
Puis quelques jours de plus pour obtenir le texte de la décision. A partir de ce moment, si la décision est favorable (entendez : vos adversaires ont été condamnés à vous verser des sous), soit l'adversaire paie sans se faire prier (fréquent avec des compagnies d'assurance, moins avec les autres parties...) soit il faut faire une exécution forcée à leur encontre, par huissier, en vertu de la décision rendue. Là les délais sont variables au cas par cas. Cela peut mettre moins d'un mois comme bien plus longtemps.
Je sais, c'est long tout ça. Mais moins que si on fait une procédure au fond...
La procédure au fond
Tout d'abord il faut rédiger l'assignation. Si l'affaire est compliquée, comptez quelques heures de travail. Pour une de mes assignations les plus lourdes, avec des désordres multiples et une argumentation qui devait être solide, il m'a fallu environ 15 heures. Bref, deux jours de travail environ consacrés à la chose.
Puis on fait signifier et une fois que l'huissier nous retourne l'assignation signifiée avec toutes les mentions officielles, il faut aller la déposer au tribunal (c'est le "placement"). C'est ce placement qui informe le tribunal de ce qu'un litige est engagé. Et là, on attend la convocation à la première audience de procédure.
Pour plus de détails sur la procédure devant le Tribunal de Grande Instance (c'est souvent celui qui est saisi) je vous conseille la lecture de ce billet.
Mais, en gros, voilà comment ça se passe : une première audience de procédure a lieu, pendant laquelle le juge regarde si tout le monde a bien un avocat et si les pièces ont été correctement communiquées par le demandeur. A l'audience suivante (deux à trois mois plus tard) les défendeurs devront formuler leur argumentation sous forme de conclusions. S'ils ne le font pas, l'affaire fera l'objet d'un ou deux renvois. Compter trois à six mois de plus.
Puis le demandeur doit répondre aux arguments adverses. Hop, deux à trois mois de plus. Puis le juge s'assure que tout le monde a échangé son argumentation. Je vous laisse imaginer la durée du processus quand il ya quatre ou cinq parties, voire une douzaine comme cela arrive dans les dossiers un peu compliqués.
Une fois que tout le monde a formulé ses arguments, la phase de procédure est clôturée. Ne comptez pas moins d'un an entre la date de l'assignation et cette clôture. Généralement, il faut plus de temps.
Puis l'audience est fixée, généralement quelques mois après la clôture (eh oui, l'encombrement des tribunaux n'est pas un vain mot). Par exemple, j'ai eu récemment une clôture en décembre 2010. La plaidoirie est en mai...
Une fois l'affaire plaidée, il faut attendre deux à trois mois la décision. Et à ce moment, on peut soit exécuter la décision (et les explications que je formulais sur le référé s'appliquent ici) ou bien... on est reparti pour un tour devant la Cour d'Appel. Pour plus de détail sur la question, je conseille ce billet.
Et voilà pourquoi votre fille est mue... heu, pardon, voilà pourquoi je conseile les solutions amiables.