Molière selon Brecht ou Anatomie d’un parasite (...)
"....en proposant une adaptation de « Dom Juan » par Brecht. La mise en scène de Jean-Michel Vier en fait éclater toute la modernité et la pertinence. La pièce, portée par l’interprétation souvent réjouissante des deux comédiens principaux, est aussi un excellent divertissement.
Un Don Juan tout en n s’invite au Lucernaire. Pourtant, c’est bien du Dom Juan de Molière qu’il s’agit, dans une version revisitée par Brecht avec la collaboration de Benno Besson et d’Élisabeth Hauptmann (1). La substitution du Don au Dom est ici d’autant plus déconcertante qu’elle renvoie implicitement au héros romantique, au mythe du séducteur idéaliste avec lequel Besson et Brecht voulaient précisément rompre pour revenir au libertin antisocial et cynique de Molière. En dépit du choix de titre discutable de Michel Cadot (2), la mise en scène de Jean-Michel Vier est fort convaincante.
Il faut dire que Don Juan se prête particulièrement bien à une relecture didactique. Brecht et Besson en font un parasite social, égoïste ridicule, qui fait enrager les femmes – comme Elvire – ou les fait pouffer de rire – comme Charlotte et Mathurine – en même temps qu’un personnage de théâtre mythique, dangereusement séduisant et attirant. La direction d’acteur de Jean-Michel Vier conjugue avec virtuosité la gestuelle de la commedia dell’arte de Molière et le gestus brechtien. Autrement dit, les lazzi n’ont pas une intention simplement comique, mais visent également à mettre en évidence les rapports sociaux entre les personnages.
L’interprétation sans faute de Pierre Val en est une remarquable illustration. La voix précieuse et haut perchée, il oscille entre le séducteur cruel et cynique, le bouffon magnifique et l’usurpateur patenté. Face à lui, Sylvain Katan incarne avec panache un Sganarelle à la fois hâbleur et pétochard. En le positionnant en dehors du chœur, Vier met en évidence l’ambiguïté du valet dans ses rapports au reste de la société, tout autant qu’à Dieu et à son maître. Et surtout, pour notre plus grand plaisir de spectateur, le duo maître et valet est irrésistible de drôlerie.
Un spectacle réjouissant, enlevé et rythmé
Ainsi, Jean-Michel Vier utilise les ressorts du théâtre épique sans jamais tomber dans le « brechtianisme » pompeux, parfois véhiculé par les héritiers du Berliner Ensemble. Bien au contraire, il propose un spectacle réjouissant, enlevé et rythmé. Le recours aux chants et aux marionnettes est toujours pertinent et porteur de sens. De la même façon, l’introduction d’un chœur, constitué par quatre comédiens qui se partagent les autres personnages, permet de délimiter le plateau à un cercle, et de véritablement replacer don Juan dans une opposition à l’ordre social, et inversement.
Car la critique de Brecht et Besson porte autant sur le monstre libre-jouisseur qu’incarne don Juan que sur la société qui l’a engendré et ne parvient plus à l’arrêter. Porté par de belles trouvailles scénographiques, le chœur trouve parfaitement sa place malgré quelques erreurs de « rodage » lors de la première. Valérie Alane et Cédric Villenave tirent leur épingle du jeu, dans leurs interprétations respectives de Donna Elvira et de Pieter le pêcheur.
Dommage que la fin de la représentation ne soit pas tout à fait à la hauteur du reste de la pièce. Étant donné le rythme trépidant auquel le chœur est soumis, la légère baisse de régime de certains comédiens est toutefois tout à fait compréhensible. Mais il en ressort une impression de flottement, dont s’accommode difficilement la judicieuse mise en scène de la mort de don Juan. Car, ici, ce ne sont pas les feux de l’enfer qui engloutissent finalement le célèbre libertin, mais le théâtre lui-même, dans un clin d’œil carton-pâte qui rappelle que c’est avant tout leur foi en la fonction sociale essentielle du théâtre qui unissait Brecht, Besson et Molière. "
Sophie Lecerf
Les Trois Coups
www.lestroiscoups.com
(1) Cette production de Dom Juan de Molière fut montée l’occasion de l’inauguration du Theater am Schiffbauerdamm, siège du Berliner Ensemble, à Berlin, en mars 1954.
(2) Bertolt Brecht, Don Juan, d’après Molière, traduction de Michel Cadot, Paris, L’Arche éditeur, 2003.
Don Juan, de Bertolt Brecht d’après Molière
L’Arche éditeur, 2003, texte français de Michel Cadot
Compagnie Liba • 24 bis, rue du Côteau • 94230 Cachan
08 75 27 30 08
www.libatheatre.com
libatheatre@wanadoo.fr
Mise en scène : Jean-Michel Vier, assisté de C. Guillermet
Avec : Valérie Alane, Pascale Cousteix, Sylvain Katan, Guy Segalen, Pierre Val, Cédric Villenave
Costumes : Élisabeth Martin
Musique originale : Vadim Sher
Lumières : Yann Morin
Le Lucernaire • 53 , rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris
Réservations : 01 45 48 91 10
www.lucernaire.fr
À partir du 20 octobre 2010, du mardi au samedi à 21 h 30, salle Rouge, le dimanche à 17 heures
Durée : 1 h 40
Cela c'était au mois d'octobre il reste à peine une semaine avant que ce prétendu Don s'écroule se re-liquéfie remonte aux cintres s'arrête... Dom Juan est brûlé....
"Le texte de Molière n’est pas transformé par Brecht, il est resserré. Pour lui, cette fable ne raconte pas une tragédie personnelle, s’il y a une tragédie, elle est collective. "
Une semaine au théâtre de l'Oeuvre
DERNIERE LE 13 MARS.
Le théâtre de l'Oeuvre (histoire du lieu) vous ne le verrez pas comme cela si ouvert souvent le plateau est rendu comme immense et vertigineux l'exigence de son créateur Lugné Poe retrouvée.
-Mais ce Don Juan n'a rien d'extraordinaire ?
-c'est peut-être parce qu'il l'est tout le temps que vous ne voyez pas comme un très bon film précurseur de Bertrand Tavernier. Ce film là : Mort en Direct....
Quel rapport ?! La mort, les marionnettes, une ville de déshérence... de très bons acteurs : Harvey Keitel et Romy Schneider mais l'un totalement inconnu l'autre dans un personnage très inhabituel... et le film était comme en avance ou en retard sur son temps passerelle entre plusieurs genres... mais ce film là contrairement à l'enfer de Clouzot au moins lui a eu le bénéfice d'être terminé.
Cette pièce aussi.
J'y suis allée hier soir et j'étais comme à chaque fin de semaine en surcharge de fatigue. Je dors c'est irrépressible, je dors donc au théâtre et comme nous étions peu de spectateurs, c'était plus visible. Le metteur en scène est venu s'asseoir, ironie du sort, juste à côté de moi. Il n'a rien compris à mon endormissement et surement vis à vis de ses comédiens, il a jugé ma somnolence comme un affront. Alors il m'a donné des coups de coude pour que je me réveille. Au lieu de me laisser dormir un peu plus de quelques minutes ! j'aurais pu suivre alors plus longtemps totalement réveillée le reste de la pièce.
Mais mon cerveau est depuis tant de temps habitué qu'il recompose les chaînons manquants. Comme c'est bon de dormir au théâtre, le seul endroit qui apaise les folies et qui redonne couleurs et sens et mémoire à nos rêves les plus secrets voir les plus pathétiques comme l'humiliation que celle d'être repoussée par un séducteur. On ne peut s'empêcher d'avoir envie encore et encore de lui.... Toujours plus envie alors que cela ne vous convient pas. Ravages qui menaient au couvent. Et Dieu par Dieu le support des fantasmes à toute cette vacuité vanité est puni brûlé anéanti et qu'est-ce que cela changera il se reformera recomposera....
Il n'est qu'un masque celui de notre mort.
Et donc replongée dans toutes ces toiles d'araignées on s'endort qui sait un peu plus.
Tout sur le mythe et ses représentations.... sur canal académie
Dom Juan associé à Faust....
TRÈS INTÉRESSANT
TRÈS INTÉRESSANT
TRÈS INTÉRESSANT
TRÈS INTÉRESSANT