Histoires de résistance 2…

Publié le 05 mars 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff

En ce Dimanche d’août 1942, les villageois se retrouvaient réunis à l’église pour rendre un dernier hommage au père Etienne, l’ancien forgeron, qui avait été emporté par la maladie le jour même de ses 88 ans…

Comme toujours les jours de messes ou d’oraisons funèbres, un officier Allemand était présent, par simple humanité disaient les uns, pour surveiller les villageois lors de rassemblements prétendaient les autres… Toujours est-il qu’il fallait user de trésors d’ingéniosité pour faire passer des informations sans éveiller chez l’occupant le moindre soupçon…

Antoine venait de se lever et se dirigeait vers le pupitre en bois, sur lequel un livre de prières était ouvert…

Comme d’habitude notre homme en bon orateur avait été désigné pour lire quelques mots, ce jour là en l’honneur du père Etienne…

En fait dans la sainte Bible se trouvaient judicieusement intercalés entre les psaumes, des feuillets servant à faire passer des informations… Jamais un officier Allemand n’aurait eu l’affront de vérifier le contenu de ce pieux ouvrage, et encore aurait-il fallu connaitre le subterfuge…

Antoine en fait apprenait le passage à réciter par cœur la veille d’évènements religieux, et faisait ensuite mine de le lire, il prenait connaissance des informations tout en récitant sa leçon… L’illusion était parfaite…

Il ne lui restait plus qu’à divulguer le contenu des messages à ses camarades résistants au café du village… Le curé quant à lui brûlait les documents compromettants et le tour était joué…

Pour plus de sécurité les informations n’étaient en général pas rapportées le même jour, ni à la même personne… Ainsi en cas de problème où pire d’arrestation, même sous la torture aucun des membres du réseau Pégase n’aurait été en mesure de dénoncer la totalité d’une opération…

Ce jour là, Antoine devant son café chuchotait discrètement à Lucien le pharmacien : «  Demain 22h00 rends-toi avec une torche chez le nazi… » Quelques autres furent également invités pour l’opération avec la même recommandation…

A ce stade du récit, je me dois de vous présenter ce nazi qui était en fait le coiffeur, un Suisse de naissance au nom de consonance Germanique Franz Hochapfel qui lui avait valu ce surnom donné par quelques mauvaises langues, voyant en lui un indicateur de la gestapo…

Au contraire de ce qui était prétendu, Franz Hochapfel était un grand résistant, qui, nous en reparlerons plus tard fut décoré à la libération pour faits héroïques de la résistance.

De plus sa parfaite maîtrise de l’Allemand lui permettait de glaner ça et là de précieux renseignements, qui rapportés ensuite aux autorités de la résistance s’étaient avérés extrêmement utiles.

Dès le lendemain le groupe se retrouvait chez le « nazi ».

Antoine au dernier moment leur expliqua qu’un avion allié devait parachuter du matériel et de l’argent dans un champ non loin de là, et que tous seraient chargés de baliser le terrain à l’aide des torches…

L’opération était prévue pour 23h00.

Nos résistants étaient en place, espacés d’une bonne dizaine de mètres chacun, quand le moteur de l’avion se fit entendre. A peine 5 minutes plus tard deux containers tombaient du ciel, retenus par des parachutes… Rapidement tout fut recouvert de branchages, le lendemain un autre commando viendrait récupérer le contenu et enterrer les containers, il ne fallait jamais rester trop longtemps en mission pour éviter les risques inutiles…

Antoine serait lui aussi présent pour récupérer les deux postes émetteurs faisant partie de l’envoi, et devant être remis à un capitaine Anglais des renseignements caché dans la région…

Dès le mercredi suivant Antoine organisait la livraison, toujours au café du village à sa table de belote… Tout semblait routinier, quand Jeannette la fille d’un agriculteur chez qui les Allemands venaient se fournir en œufs, lait et victuailles diverses (lorsqu’il y en avait !), pénétra toute haletante dans le café…

« Antoine est là ? »

« Oui dans l’arrière salle… »

« Je dois lui parler de toute urgence… »

« C’est au sujet du parachutage… » Conclut-elle à voix basse…

Jeannette expliqua à Antoine et à ses amis, qu’elle ne savait comment, mais que les Allemands étaient au courant, ils allaient dès le lendemain en présence d’un officier de la Gestapo ordonner une perquisition chez la châtelaine, propriétaire du château de la commune où les maquisards avaient pris pour habitude de stocker les divers parachutages…

Il n’y avait pas un instant à perdre, sachant que nos amis se croyant tranquilles n’avaient même pas pris le temps de brûler les parachutes compromettants…

Arrivés sur place la châtelaine les attendait prévenue elle aussi de ce qu’il se passait…

C’était une de ces femmes que rien n’ébranlait, faisant partie de l’aristocratie, petite-fille d’un vicomte mort sur un champ de bataille aux côtés de Napoléon lui-même. Autant dire qu’elle n’était pas du genre à se laisser impressionner…

Alors qu’Antoine et ses amis allaient s’en aller, un véhicule pénétra en trombe dans la cours du château, et déjà des militaires en descendaient… Impossible de partir sans éveiller la curiosité de l’officier nazi qui approchait à présent dans son uniforme noir, monocle à l’œil…

Antoine et ses compères s’assirent rapidement à la grande table de bois, faisant mine d’écosser des haricots blancs entassés sur celle-ci…

« Ne bougez plus ! Gestapo ! Perquisition ! Papiere bitte ! »  

Sans le moindre ménagement les soldats fouillaient déjà partout, ouvrant les commodes, retournant  les armoires… Une bonne heure plus tard, il ne restait qu’un énorme coffre en bois, cadenacé…

« Donnez-moi les clés Madame ordonna l’officier ! Schnell !»

La comtesse faisait mine d’être embarrassée, assurant avoir perdu les clés il y avait fort longtemps, et que ce coffre ne contenait que des souvenirs de feu le comte qui n’avaient d’intérêt que pour elle-même…

L’officier perdait patience, hurlant de plus en plus fort, sortant son pistolet devenant menaçant…

L’instant sembla interminable à Antoine et ses amis qui crûrent leur fin arrivée…

C’est alors que la comtesse céda, et sortit d’un vase posé sur la cheminée une clé, la tendit au militaire, après l’avoir copieusement insulté, ce qui était totalement inconscient lorsque l’on songe à la sauvagerie dont pouvaient faire preuve ces personnages…

Persuadé que la malle de bois contenait je ne sais quelles choses illicites, les soldats s’étaient groupés autour de l’officier qui ouvrait à présent le coffre…

Il ne contenait que quelques reliques, médailles et des documents jaunis par le temps…

L’homme vexé sans aucun doute, après avoir lancé un tonitruant « Heil Hitler » tourna les talons en ordonnant à ses soldats de le suivre…

L’émotion passée Lucien dit : « Je trouve comtesse que vous avez pris beaucoup de risques pour vouloir simplement sauver quelques souvenirs… »

« Nous aurions risqué bien plus si la gestapo avait eu l’idée de regarder sur quoi vous étiez assis Lucien… Le saloir à jambon qui vous sert de banc… Contient les deux postes émetteurs… »

En fait sous le coup d’un extraordinaire trait de génie, la Comtesse avait créé une diversion, sauvant ainsi la vie à l’essentiel du réseau Pégase…

Une question demeurait toutefois dans les esprits… Qui les avait donnés ?

 Dyonisos