Territories
Résumé : Deux couples de trentenaires et un ado qui reviennent d’un mariage au Canada se font arrêter près de la frontière américaine par deux policiers. Le contrôle de routine se transforme bien vite en calvaire lorsque les flics en question s’avèrent bien décidés à chercher des noises aux jeunes en face d’eux. Et le calvaire bascule dans l’horreur lorsque les deux hommes enlèvent leurs victimes sous la menace de leurs armes pour les emmener dans un « camp de rééducation » bien particulier…
Territories (retitré Checkpoint pour l’exploitation internationale) est le premier film d’Olivier Abbou, jeune réalisateur québécois. Démarrant comme un classique survival, avec sa bande de jeunes confrontés à des flics psychopathes dans un coin reculé des Etats-Unis, le film bascule assez vite dans une horreur beaucoup plus réaliste et effrayante. Car Territories n’est pas un énième dérivé de Massacre à la Tronçonneuse, mais plutôt un film d’horreur psychologique furieusement engagé politiquement. En décrivant le calvaire de ces cinq victimes innocentes, Abbou dénonce les dérives xénophobes et sécuritaires des Etats-Unis. Car le film dévoilera très vite que les deux pseudo officiers de police sont en fait des vétérans de la guerre du Golfe qui ont décidé de se lancer de façon un peu trop zélée dans la guerre contre le terrorisme. Quitte à enlever des personnes un peu trop basanées à leur goût (l’un des héros, bien qu’Américain, est d’origine arabe) pour les torturer selon les méthodes utilisées à Guantanamo.
Outre son sujet brûlant et sa façon très viscérale de l’aborder (malgré le peu de gore présent à l’écran, les tortures subies par les personnages n’en sont pas moins horribles), Territories tire sa force de son scénario d’une noirceur absolue (toutes les vagues lueurs d’espoir sont assez rapidement anéanties) qui prend le temps de développer tous les personnages. Les victimes sont ainsi esquissées juste assez pour les rendre attachantes et proches de nous, tandis que les deux tortionnaires ont eux aussi droit à quelques scènes plutôt émouvantes donnant des pistes sur la raison de leurs actions. Même le personnage pourtant très cliché du détective qui enquête sur la disparition des victimes a droit à suffisamment de scènes pour apparaitre foncièrement humain (au travers notamment des messages laissés par sa fille sur son dictaphone) et pour qu’on se préoccupe de son sort. L’interprétation est elle aussi excellente, que ce soit du côté des héros qui ont l’air de réellement souffrir à l’écran (la scène où l’une des jeunes filles finit par balancer des informations fausses sur l’un de ses amis est d’une tristesse infinie), ou des tortionnaires (Roc LaFortune est tout simplement monstrueux).
Bref, Territories est un vrai film coup de poing, qui pose nombre de questions difficiles et laisse un goût amer dans la bouche une fois le générique de fin terminé. Une première œuvre d’une rare maîtrise, à découvrir absolument.
Note : 8.5/10
Canada, 2011
Réalisation : Olivier Abbou
Scénario : Olivier Abbou, Thibault Lang Willar
Avec: Roc LaFortune, Sean Devine, Nicole Leroux, Cristina Rosato, Michael Mando, Alex Weiner, Stephen Shellen
The Shrine
Résumé: Une journaliste ambitieuse entraîne son petit ami et sa stagiaire enquêter en Pologne sur la mystérieuse disparition de plusieurs touristes américains. Sur place, ils se heurtent à l’hostilité des habitants d’un petit village reculé. Intrigués par un étrange brouillard immobile qui surplombe la forêt proche, ils décident d’aller voir de plus près de quoi il retourne. Ce n’est que le début d’une dangereuse aventure dont aucun d’entre eux ne ressortira indemne…
Trois ans après le très fun et décomplexé (à défaut d’être parfait) Jack Brooks, Tueur de Monstres, Jon Knautz et son compère Trevor Matthews remettent le couvert pour un nouveau film d’horreur. Mais contrairement à leur premier opus, pas question de tomber dans l’hommage parodique ici, puisque The Shrine est un film d’horreur tout ce qu’il y a de plus premier degré.
Le film suit donc les aventures d’un trio de reporters (une journaliste, sa stagiaire et son petit ami photographe) venus enquêter dans un coin reculé de la Pologne sur de mystérieuses disparitions de touristes. The Shrine est un récit très classique et linéaire qui applique à la lettre les préceptes du genre : villageois mal embouchés gardant un terrible secret, culte païen prônant les sacrifices humains, journaliste opiniâtre refusant de se sauver alors que tout crie « danger » autour d’elle. C’est peut-être là le plus gros défaut du film, qui peinera à surprendre les fans du genre, tant tous ses rebondissements sont prévisibles pour qui a déjà vu un film de ce type auparavant.
Cependant, ce qui sauve grandement le film de l’ennui et de l’oubli, c’est son application à poser une atmosphère oppressante. Car même si l’on devine à peu près tous les rebondissements au bout de vingt minutes, on se laisse malgré tout porter par le film qui comporte quelques très bonnes scènes de trouille, comme lorsque les personnages pénètrent à l’intérieur de l’étrange brouillard bordant le village. Une scène suffocante et inquiétante vraiment très réussie. De même, les scènes de sacrifice sont particulièrement marquantes grâce à leur aspect graphique et au sort horrible attendant le sacrifié. Notons enfin l’excellent final, qui part en énorme affrontement bien sanglant façon Evil Dead, et dans lequel personne n’est épargné (même pas les gosses).
L’interprétation est tout à fait correcte, et on a notamment plaisir à retrouver une fois de plus Aaron Ashmore (frère jumeau de Shawn Ashmore) qui semble se spécialiser dans le cinéma de genre. Seul Trevor Matthews a un peu du mal à convaincre en grosse brute polonaise pourchassant les héros.
Bref, malgré son intrigue très (trop ?) classique, The Shrine remporte tout de même l’adhésion grâce à son amour évident du genre et sa réalisation efficace. Pas inoubliable, mais un nouvel hommage agréable aux 80’s.
Note : 7/10
USA, 2011
Réalisation : Jon Knautz
Scénario : Jon Knautz, Trevor Matthews, Brendan Moore
Avec: Cindy Sampson, Aaron Ashmore, Meghan Heffner, Trevor Matthews
Mother’s Day
Résumé: Trois frères braqueurs de banque décident de se réfugier chez leur mère après un coup qui a mal tourné. Manque de chance, celle-ci s’est faite expulser de sa maison quelques mois auparavant, et les nouveaux propriétaires sont en train de fêter leur pendaison de crémaillère avec quelques amis. Les trois frangins prennent les occupants en otage en attendant que leur mère vienne les aider à régler la situation…
Très honnêtement, sur tous les films projeté lors du festival, Mother’s Day est probablement un de ceux sur lesquels j’aurais le moins parié. Difficile en effet d’être enthousiasmé par un énième remake, surtout réalisé par Darren Lynn Bousman, réalisateur ayant commis Saw 2, 3, 4 et le quasi-unanimement conspué Repo ! The Genetic Opera. Même les déclarations enthousiastes du réalisateur selon lesquelles Mother’s Day serait son meilleur travail à ce jour ne mettaient pas vraiment en confiance. Du coup la surprise fut de taille à la projection du film, puisque celui-ci est en effet le meilleur long-métrage de Bousman, mais en plus c’est un excellent film !
La première chose qui frappe pour qui connait le travail du réalisateur, c’est de voir le changement de style de celui-ci. Finis les filtres colorés moches, finis le montage à la hache illisible (mis à part peut-être pour l’affrontement final). Mother’s Day est un film posé, plutôt bien réalisé et sans effets tape à l’œil. La scène d’ouverture est même visuellement très réussie et rappelle dans une moindre mesure le travail de John Carpenter, avec sa montée graduelle du suspense jusqu’à l’explosion de violence.
Mais l’atout principal de Mother’s Day c’est son excellent scénario et ses personnages fouillés. Si les suites de Saw agaçaient par le manque de profondeur et le côté têtes à claques interchangeables des personnages, Mother’s Day est au contraire totalement focalisé sur ceux-ci. Les personnages sont le moteur de l’action et du suspense, et Bousman prend son temps pour les poser plutôt que de se ruer dans le gore et la violence. La première partie du film est donc très psychologique, avec une montée de la tension à mesure que l’on s’aperçoit de l’emprise que la mère de cette étrange famille a sur sa progéniture. Au centre du film, Rebecca de Mornay, qui avait quelque peu disparu des écrans radar depuis son rôle dans Identity, revient sur le devant de la scène d’une manière fracassante dans un rôle rappelant forcément celui, mythique, qu’elle incarnait dans La Main sur le Berceau. Avec son apparente douceur cachant une volonté de contrôle maladive, elle effraie sérieusement. Face à elle le casting « jeune » ne démérite pas, avec entre autres têtes connues Sahwn Ashmore (décidément !) et Deborah Ann Woll (Jessica dans True Blood).
Le grand intérêt du film c’est aussi de prendre la forme d’un petit jeu de massacre entre amis, où la situation de crise révélera les caractères de chacun. Loin de tout manichéisme, Mother’s Day propose ainsi des « méchants » finalement pas si mauvais que ça, et surtout des « gentils » avec énormément de choses à cacher. La prise d’otage mettra rapidement à l’épreuve l’amitié et la loyauté du petit groupe, surtout quand « Mother » décidera de punir certains d’entre eux ou de les faire s’affronter. Sans tomber dans les effets gores inutiles ou les éclats grandiloquents (mis à part dans le final forcément bourrin où les deux camps finissent par s’affronter), Mother’s Day rappelle dans ses meilleurs moments des films tels que La dernière Maison sur la Gauche (et son remake) ou La Plage pour son exploration de la bassesse humaine.
Bref, c’est un quasi sans faute pour Bousman, malgré quelques scories plutôt négligeables, et du coup on attend avec déjà plus d’intérêt la suite de sa carrière après ce virage radical.
Note : 8.5/10
USA, 2011
Réalisation : Darren Lynn Bousman
Scénario : Scott Milam
Avec: Rebecca de Mornay, Shawn Ashmore, Lisa Marcos, Deborah Ann Woll
Hobo with a Shotgun
Résumé: Un clochard débarque un beau jour dans une petite ville sur laquelle règne le malfaisant Drake. Après avoir empêché le viol d’une prostituée par un des fils de Drake, le clochard décide de nettoyer la ville de sa pourriture. Pour cela, il dépense les quelques billets qu’il a durement gagnés pour s’acheter un fusil à pompe…
Franchement, qui n’a pas rêvé un jour de voir Rutger Hauer déssouder du bad guy avec un gros fusil à pompe dans un film titré « Un Clodo avec un Fusil à Pompe » ? Bon, ok, ce n’est peut-être pas le fantasme de tout le monde, c’est vrai. Mais pour les cinéphiles déviants dont je fais partie, un film comme celui-ci fait clairement partie des films à voir de toute urgence.
Hobo with a Shotgun, pour ceux qui ne le savent pas, est le premier film de Jason Eisener, et a été financé parce que le bonhomme a remporté un concours de fausses bandes-annonces de films grindhouse, suite à la sortie du double opus de Tarantino et Rodriguez. Après avoir prouvé qu’il savait tenir une caméra en shootant l’excellent court Treevenge (mettant en scène la vengeance des sapins de Noël contre les humais qui les coupent au moment des fêtes), il s’est donc attaqué à son premier long. Et le moins qu’on puisse dire à la vision du résultat final, c’est qu’Eisener est un réalisateur généreux. Là où Robert Rodriguez s’est quelque peu reposé sur ses lauriers avec Machete, Eisener explose tous les quotas, que ce soit en termes de gore, de mauvais goût assumé, et de folie. Car Hobo with a Shotgun est un vrai film grindhouse, c’est-à-dire bordélique, hystérique, mais totalement fun.
Dans Hobo with a Shotgun, le mythique Rutger Hauer shoote du vilain à tour de bras dans des déluges de sang, les pères Noël sont des pédophiles, les bad guys crament des bus scolaires remplis de gosses, et des mercenaires nazis en armure attaquent un hôpital… Eisener cite à tour de bras Carpenter (notamment dans la musique), les glorieuses 80’s, Street Trash et Body Melt pour la description des communautés de clochards, voire même Retour vers le Futur, Les Tortues Ninjas (pour le look de certains bad guys) et McGyver. On pense parfois au cinéma du duo Nveldyne-Taylor dans le côté bordélique, mais le cynisme et la vulgarité en moins. Surtout que si Eisener il frôle parfois l’indigestion et le trop plein de mauvais goût, il compense par une réalisation assez maitrisée (et une utilisation réussie des filtres colorés) qui le mettent à cent coudées au-dessus du duo maudit et de leurs étrons cinématographiques.
En clair, Hobo with a Shotgun est un immense cartoon rigolard mis en scène par un pur enfant des 80’s ne cherchant rien d’autre que son plaisir et celui du spectateur. Pas un coup de maître mais certainement un futur film culte à déguster entre potes autour d’une pizza.
Note : 7/10
Canada, USA, 2011
Réalisation : Jason Eisener
Scénario : John Davis, Jason Eisener, Rob Cotterill
Avec: Rutger Hauer, Gregory Smith, Brian Downey, Molly Dunsworth