Voici 200 semaines que Nicolas Sarkozy a été élu à la Présidence de la République. N'espérez aucune célébration de cet anniversaire. Déjà candidat, le Président des Riches nous a quand même livré une semaine exemplaire : instabilité ministérielle, bondieuseries identitaires, conflits d'intérêt, assouplissement de l'ISF, service minimum sur l'emploi, et hypocrisie diplomatique.
A l'Elysée, l'équipe de campagne est presque au complet. Brice Hortefeux sera conseiller politique. Mais chut... on officialisera plus tard cette nomination. Pour l'instant, Sarkozy n'est pas en campagne.
Hypocrisie politique
Dimanche, sans crier gare mais sans surprendre, Nicolas Sarkozy a encore remanié son gouvernement. L'instabilité ministérielle, à l'exception notable de Christine Lagarde à l'Economie, ressemble à la IVème République. Exit Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux. Place aux « expérimentés » Alain Juppé aux Affaires étrangères, Gérard Longuet à la Défense, et Claude Guéant à l'Intérieur et immigration. Le monarque s'est même adressé au pays à la télévision, pendant 7 petites minutes. Pour justifier l'opération, il n'évoqua pas son crash diplomatique, ni les casseroles de ses collaborateurs : le périple tunisien et les affaires familiales de MAM, les congés de la famille Fillon payés par l'autocrate Moubarak, l'attentisme français face au printemps arabe, la collusion d'un Ollier avec le sanglant régime Kadhafi. Ce dernier a décidé d'attaquer la candidat écolo Eva Joly pour diffamation, qui rappelait ses relations d'amitiés avec les autorités libyennes et les ventes d'armes correspondantes.
Sarkozy préfèra s'abriter derrière les révolutions arabes, l'incroyable bouleversement politique qui frappe le Proche-Orient. Il vanta l'Union pour la Méditerranée (UPM) nouvelle formule, mieux entourée de démocraties qu'il faudrait soutenir. Quatre jours plus tard, la Sarkofrance signait un accord de coopération culturelle avec la Syrie : le « Groupement pour la mise en œuvre de l’accord franco-syrien de coopération culturelle » était approuvé, qui prévoit un soutien français à la rénovation des musées de la dictature syrienne. Et la liste reste longue de ces dictatures amies pour lesquelles la Sarkofrance déploie davantage de protocole que les simples relations diplomatiques minimales entre Etats.
Au final, Sarkozy ne reconnut aucune erreur et prit l'électeur pour un abruti. Il fallait lire entre les lignes : « je me dois de ne faire prévaloir aucune autre considération que l'efficacité et l'intérêt général dans le choix de ceux auxquels sont confiées les responsabilités de l'Etat. » Lundi, il faut faire le service après-vente. Henri Guaino donnait encore quelques leçons d'intelligence aux médias, aux commentateurs, à la France entière. Il fut contraint d'avouer qu'il a lui-même passé le réveillon à Tripoli, chez l'ambassadeur du coin. Il a même « payé » ses vacances. Quel effort !
Service minimum
Lundi, François Fillon était à Troyes. Il vanta l'exonération de charges sur les bas salaires
Mardi, le candidat Sarkozy lui emboita le pas sur l'apprentissage. Il recycla quelques vieilles annonces, comme les « 15 000 places supplémentaires d'hébergement pour les jeunes apprentis » financées par le Grand Emprunt de janvier 2009. La création d'« internats d'alternance » (avec 18.000 places à l'époque), est promise depuis deux ans. Financer la politique de l'emploi par la dette ? On applaudit ! Plus fort encore, plus grave aussi, il remit « 250 millions d'euros supplémentaires pour financer 50 000 contrats aidés de plus par rapport à ceux déjà budgétés ». Un « effort absolument exceptionnel »nous expliqua-t-il ! Il avait lui-même réduit le nombre de contrats aidés en 2007, puis à nouveau fin 2010 pour l'année 2011. L'homme navigue décidément à vue. Le tour de passe-passe est un peu gros. Il supprime d'abord, pour redonner ensuite, mais un peu moins...
Fin janvier, quelques 2,56 millions de personnes sans emploi étaient indemnisées, pour partie par pôle emploi au titre de l'assurance chômage (2,124 millions, soit 49% des inscrits), et pour partie par l'Etat (435.400 fin de droits) au titre de la solidarité. Ce nombre n'a progressé « que » de 2,5% en un an tandis que le chômage augmentait lui de plus de 4% sur la période.
Si Sarkozy espère qu'on « travaillera plus » cette année, à l'approche du scrutin de 2012, il reste très discret sur le pouvoir d'achat. Son ministre de l'industrie a dû reconnaître que les prix du gaz augmenteraient en moyenne de 5% le 1er avril prochain. Sur un an, la hausse est de 20% pour quelques 11 millions de foyers. La révolte libyenne a également provoqué une envolée des prix du pétrole. Le litre de diesel frôle les 1,50 euro.
A l'Assemblée, les nouveaux ministres passaient leur premier oral. Claude Guéant s'accrochait à son micro pour mieux mentir sur l'insécurité. Les effectifs des forces de l'ordre sont bel et bien revenus, en 2011, à leur niveau de 2002. Alors que la population française a cru de 5% sur la période, et que les atteintes aux personnes, fichu bilan de 9 ans d'insécurité sarkozyenne, ont cru de ... 22%. En matière sécuritaire, le gouvernement est plus actif contre le Net. Le décret qui exige la conservation et la communication, sur simple demande de toute autorité gouvernementale, des données personnelles des internautes par les fournisseurs d'accès pendant un an vient de paraître au Journal officiel.
Mauvaises affaires
Les affaires n'ont pas fini de polluer la mandature sarkozyenne. On se rappelle les conflits d'intérêt du nouveau ministre de la Défense. Gérard Longuet, quand il présidait les sénateurs UMP, émargeait aussi comme consultant pour GDF-Suez entre septembre 2008 et décembre 2009. En plein débat sur la libéralisation du marché de l'électricité, ça aide... Une plainte contre X pour «corruption active et passive, prise illégale d'intérêts, recel, blanchiment, escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux» va être déposée auprès du procureur de la République par Jean-Marie Kuhn, actionnaire minoritaire de GDF-Suez, révèle l'Express. Mediapart complète : le montant de la prestation se serait élevé autour de 450.000 euros. Un bonheur n'arrivant jamais seul, on apprend qu'un collègue de Longuet, Frédéric Lefebvre, le désormais discret secrétaire d'Etat au Tourisme et au Commerce, souhaiterait nommer l'épouse de Longuet vice-présidente de la Commission nationale des professions libérales. Un ancien camarade du groupe Occident, Hervé Novelli, avait déjà confié une mission de 4 mois à Mme Longuet à l'automne dernier pour refondre cette Commission qu'elle s'apprête donc à rejoindre...
Lundi, le juge Renaud van Ruymbeke, qui enquête sur le volet financier de l'affaire de Karachi, a eu un très instructif entretien avec l'ancien trésorier de la campagne de Balladur en 1995. René Galy-Dejean n'a aucun souvenir de l'origine de 7 millions de francs (environ 1 million d'euros), reçus en petites coupures de 500. On s'interroge... Le juge semble établir un lien avec d'autres versements occultes, à l'époque au bénéfice du Parti Républicain présidé par ... Gérard Longuet.
Bondieuseries identitaires
Jeudi 3 mars, le candidat parlait patrimoine, terroir, héritage, et surtout racines chrétiennes de la France. Evidemment, quelques zélotes notèrent qu'il avait aussi évoqué Juifs et Musulmans dans son discours. Mais imaginez simplement qu'il fut allé visiter une mosquée, pour glisser ensuite une seule allusion au christianisme... « Il ne faut pas opposer identité et diversité » Quelle diversité ? L'Islam, seconde religion du pays, ferait débat. La chrétienté serait magnifique. Son discours regorgeait de références et d'hommages chrétiens. Il se déclara « saisi par la majesté immense de cet immense reliquaire de pierre.» Il loua le « le magnifique héritage de civilisation » laissé par la chrétienté à la France, «la foi des bâtisseurs de Notre-Dame du Puy ». Il ne manquait que le signe de croix.
Sarkozy sait-il qu'il préside, certes mal, un pays laïc ? Sait-il qu'il y d'autres urgences, comme le chômage, la précarité, ou les inégalités ? Pour que l'extase du candidat soit sans faille, d'innombrables gendarmes et CRS étaient présents. La bourgade était bouclée ; le cortège présidentiel, comme toujours, immense. Quelques dizaines de contestataires furent évidemment chargés et gazés à la bombe lacrymogène. De retour de la cathédrale, Sarkozy livra un discours attendu. Depuis 3 semaines, il a choisi de fustiger l'Islam, à travers un funeste débat sur la place de cette seconde religion du pays dans notre société. Il renifle les thèmes du Front National, s'inquiète de la solidité sondagière de Marine Le Pen, et de sa propre fragilité. Au Puy-en-Velay, le candidat voulait séduire.
A Paris, l'UMP accueillait Eric Zemmour, le chroniqueur récemment condamné pour provocation à la haine raciale.
Un nouveau cadeau aux Riches
Vendredi, Nicolas Sarkozy a reçu une claque de 312 pages. Un rapport de la Cour des Comptes qu'il avait pourtant lui-même commandé sur les différences fiscales entre la France et l'Allemagne. Or le dit rapport contredit en tous points l'argumentaire officiel développé depuis l'été dernier. Que dit la Cour ? Que le débat lancé par Sarkozy en juillet sur la fiscalité du patrimoine n'a aucun sens. Qu'il vaudrait mieux réfléchir à relever les taux de TVA réduit de 5,5 à 7% comme en Allemagne (15 milliards de recettes nouvelles !). La Cour des Comptes recommande de ne pas chercher à aligner la fiscalité française sur le régime allemand. Elle dénonce l'excessive taxation du travail versus le capital, ou l'ampleur des niches fiscales. Elle fustige le débat inutile sur la fiscalité du patrimoine. Elle souligne que les durées du travail à temps complet sont similaires, mais que l'Allemagne creuse la différence sur sur l'emploi à temps partiel. Et elle rappelle que les comparaisons de prélèvements obligatoires sont méthodologiquement difficiles : 15 millions d'Allemands sont par exemple contraints à des retraites complémentaires privées faute d'une assurance publique aussi développée qu'en France.
Malgré un cliché photographique figurant Sarkozy, large sourire aux lèvres, tendant la main à Didier Migaud pour recevoir ses conclusions, le communiqué officiel de la présidence fut sobre et glauque. Comme celui d'un boxeur sonné. Sarkozy savait sans doute tout cela avant de recevoir le rapport. Il a quand même laissé quelques ministres s'agiter dans un fumeux colloque organisé par Bercy ce jeudi. Les François Fillon et Baroin annoncèrent la suppression tant attendue du bouclier fiscal (+700 millions d'euros par an), mais aussi une large révision, en deux temps, de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune : exonération des patrimoines inférieurs à 1,3 millions d'euros, et réduction des taux pour les autres. Une belle fortune de 100 millions d'euros économisera quelque 1,2 million d'euros ! Bravo !
La Présidence des Riches a encore frappé... Systématiquement, il lui faut donner quelques gages et contre-parties aux maigres efforts qu'elle demande aux plus riches. Une note confidentielle de Bercy, délivrée à quelques parlementaires-godillots, nous apprenait que les 100 foyers les plus riches de France déclaraient 28,7 millions d'euros chacun en moyenne en 2008 (soit 2,9 milliards d'euros au total), contre 23.000 euros par foyer fiscal en France. Et pour les 100.000 plus gros revenus du pays (50 milliards en cumulé), la Bourse et le placement sont les premières sources de rémunération (32%): le travail ne pèse que pour 31% de leurs revenus globaux.
Gagner plus ... sans travailler plus...
Ami sarkozyste, où es-tu ?