Le témoignage d’Alexandre Jardin au travers de sa relecture de la vie de son grand-père, me conforte dans l’idée que l’histoire peut être un miroir implacable pour nos comportements… Et s’il est facile de placarder les grands personnages, il semble être beaucoup plus difficile de nous observer nous-mêmes.
Monsieur Jean Jardin est quelqu’un de « très bien ». Chef de cabinet, il doit être entouré de collaborateurs empressés. Jean Jardin est une personne mesurée, calme et avenante. Quelqu’un de correct et attentif à autrui … Je vous dis : quelqu’un de très bien … Jean Jardin est le chef de cabinet de Pierre Laval, au plus fort de l’effort de l’Etat ( à l’heure de la rafle du Vel d’hiv : 1942 ).
Comment rendre compatible une certaine qualité morale avec des actes que l’histoire considère aujourd’hui comme « crime contre l’humanité » ? Un SS hyper violent, éructant sa haine a le mérite d’être clair !
Cet « homme », que nous continuons nous aussi … d’être, sort de ces évènements avec une extraordinaire bonne conscience ( le propre des « gens biens »…). En 1940, le climat général ( ou « bien vu ») est patiné de catholicisme maurassien, imprégné d’un antisémitisme culturel normalisé… Le discours sur les « valeurs » de la France est appuyé : le don de soi, le sacrifice, la souveraineté nationale. Jean Jardin affiche une noble probité, attaché par exemple à remettre les fonds secrets jusqu’au dernier centime…
Cet « état d’esprit », à mon avis n’est pas seulement attaché à une période de l’histoire ( la collaboration ). Il est permanent… Si nous sommes aujourd’hui responsable de notre regard que nous portons sur le passé, nous le sommes d’autant plus aujourd’hui, de ne pas en tirer les leçons …
Aujourd’hui « la laïcité » porte notre bonne conscience, et si les « français d’origine musulmane » ( je récuse cette appellation ! ) en font les frais, cela fait du bien – il semble ! – à notre besoin d’appartenance… « Serrons les coudes ! » face à l’adversité ( la crise …) ; peut importe que ce soit au nom des valeurs de la chrétienté, ou des valeurs de la Laïcité : l’important est de s’imaginer affirmer des valeurs ! Et puis, faisons court ! On ne va pas se prendre la tête…
Aujourd’hui, au nom de la dette, du déficit et de l’argent public ; des « gens très bien » nous expliquent que nous devons supprimer la solidarité
nationale, qui – indument - permet de prendre à ceux qui « gagnent » pour le redistribuer aux « perdants » ( loosers ) : Raccourci, pour exprimer une « culture des résultats » qui cherche à justifier, à postériori, la baisse des « moyens » …Que faire ?
S. Hessel nous souffle de revenir à l’après-guerre et à l’esprit de résistance, pour retrouver ces ‘ vraies ‘« valeurs », qui sous-tendaient l’action de l’Etat …
L’Education nationale n’est soumise qu’à «l’obligation de moyens ». Effort exigeant (bien plus que l’obligation de résultats… !) qui ne peut être consenti que par l’Etat, c’est à dire la solidarité nationale…
« L’obligation de moyens, c’est l’obligation d’inventer sans cesse de nouvelles situations capables de mobiliser les élèves et de les aider à se dépasser… » Meirieu. Il en est de même, pour l’Etat, de l’obligation de moyens quand elle prend en charge les dépenses de personnels…