Dans unlivrequi vient de paraître, Thierry Lévêque, journaliste judiciaire à l'agence de presse Reuters, détaille, affaires après affaires, comment l'ancien homme fort de la droite française«a été, au cours de ces longues années passées à l'Elysée, un fugitif institutionnel (…) une sorte d'intouchable provisoire, de justiciable mis entre parenthèses, hors de l'espace et du temps».
L'ancien chef de l'Etat sera-t-il jugé à partir du 7 mars dans la vieille affaire des emplois fictifs du RPR et de la mairie de Paris? Rien de moins sûr, tant cet intouchable judiciaire a tout fait depuis deux décennies pour retarder ou empêcher tout procès.
- Jacques Chirac, en mai 1988: il est alors Premier ministre, maire de Paris, et candidat à la présidentielle. REUTERS/Philippe Wojazer
SLATE CONSEILLE
Jacques Chirac prendra-t-il place sur le banc des prévenus de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris ce lundi 7 mars 2011? Chirac face aux juges. Chirac justiciable (presque) comme n'importe quel Français… L'image a longtemps semblé inimaginable.
D'abord parce que, hormis Louis XVI et Philippe Pétain, aucun chef de l'Etat français n'a jamais eu à répondre devant la justice, même pour des faits qui datent d'avant son arrivée au pouvoir. Pour cette raison et quelle qu'en soit l'issue, ce procès est d'ores et déjà historique. Ensuite parce que depuis plus d'une vingtaine d'années,l'ancien président de la République, ancien leader du RPR et ancien maire de Paris, a savamment orchestré sa protection judiciaire, posant des digues juridiques, politiques et morales contre toute tentative d'attaque en robe noire.
Un dernier rebondissement, d'ailleurs, pourrait bien à nouveauretarder l'échéance du tribunal: l'un des avocats de la défense a déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité devant les tribunaux de Paris et de Nanterre, qui pourraient renvoyer aux calendes grecques le procès Chirac.
Avant Jacques Chirac, la Ve République n'avait pas prévu que le premier personnage de l'Etat puisse un jour devoir rendre des comptes à des juges. Seul cas de figure envisagé par la Constitution de 1958: la «haute trahison» en temps de guerre. Mais que dire d'éventuels délits commis avant que le Président ne devienne président, ou de ceux qu'il pourrait commettre durant son mandat?
Ô immunité présidentielle !
En deux temps, et en deux ans, l'histoire judiciaire chiraquienne a comblé ce vide législatif français. En 1999, le Conseil constitutionnel décide qu'on ne pourra poursuivre le chef de l'Etatpour des faits commis avant son entrée en fonction que devant la Haute Cour de justice. En 2001, la Cour de cassationpose définitivement le cadre légal, qui sera inscrit par le Parlement dans la Constitution en2007: le Président, lorsqu'il est en fonction, ne peut ni être mis en examen, ni être interrogé même comme témoin, sur des faits qui le concernent.
Il ne peut pas non plus faire l'objet d'une procédure civile ou administrative. Son statut d'intouchable est néanmoins précaire puisque les éventuelles procédures sont mises en veille le temps de son mandat. Exactement ce qu'il s'est passé pour Jacques Chirac à partir de 2007 et de son départ de l'Elysée.
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