On dit qu'il n'y a de la chance que pour la crapule. Le suis-je à ce point d'avoir rencontré en un temps si court, encore un très grand vin de Bordeaux ?
A la veille de notre tournée annuelle en Bourgogne pour des visites qui nous fascinent chaque année (Coche-Dury, DRC, Clos de Tart, Mortet, Rousseau, Mugnier, Taupenot-Merme), juste avant les journées Henri Jayer où on va apprendre encore plein de choses, et quelques agapes à La Miotte et au Montrachet, l'occasion a fait que je fus au Laurent le jour où cette noble maison parisienne recevait le Club des 100, de fines gueules pratiquant de haute lutte un machisme total d'où les gentes dames sont totalement exclues : n'y pensez même pas ! Elles n'ont qu'à se créer leur propre club, non mais :-)
Une toute grande bouteille, un vin généreux, riche, tenu avec classe On sait que
John Kolasa, qui gère pour la famille Wertheimer les châteaux Rauzan-Ségla et Canon, piaffait d'impatience dans sa remise en état de Canon où il lui manquait cruellement quelques plants de cabernet-franc. La parcelle idoine a été bien replantée, et la propriété va offrir dans les années à venir un des plus beaux crus de l'appellation.Ce 2003 - un millésime chaud - pouvait faire craindre des excès de douceur à la limite de style surmaturé, avec un manque plus ou moins marqué de structure et de fraîcheur en finale. Que nenni ! Que du beau, du nez à la finale en bouche. Quand on a ce type de vin, associant harmonieusement une générosité sensuelle et une noblesse innée de tenue n'appelant aucunement nos bas instincts de simplisme et de plaisir facile, on a un grand vin. Ce fut le cas avec ce 2003 qui m'a ébloui. Comme quoi, Bordeaux aussi est capable de vous offrir dans ces jeunes millésimes de véritables moments d'émotion. Bon : va falloir déguster rapidement le Rauzan-Ségla 2003, histoire de comparer ce que
John donne à chacun dans le respect de ses vues sur ces terroirs bien différents… quoique ?Il n'est pas certain qu'en dégustation comparative à l'aveugle, ce cru eusse obtenu de telles louanges alors qu'à table, cela ne se discute même pas !Ce qui m'amène à défendre de plus en plus la vue des
chinois sur les dégustations : à table ! A propose de Chine : qu'il me soit permis ici de remercier vivement notre nouveau Membre du GJE,
YI Wang (McKinsey, Shanghaï) qui, n'écoutant que sa passion du grand vin, arrive en France cette semaine pour être avec nous les trois jours de visites prévues en Bourgogne. J'aime ces personnalités capables de décisions rapides de ce style. On ne le dira jamais assez : la vie est courte !