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Sept mers et treize rivières, Monica Ali

Par Wellreadkid

Dans un roman tout en finesse et en ellipses, Monica Ali nous livre le quotidien d’une jeune Pakistanaise de dix-huit ans, mariée à un homme de vingt ans son aîné, et obligée d’aller s’installer en Angleterre. Roman fort sur l’immigration, le choc des générations et des cultures, Sept mers et treize rivières est le premier roman d’un auteur que l’on considère comme la nouvelle voix de l’Angleterre métissée.

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A dix-huit ans, Nazneen apprend que son père lui a trouvé un mari et que celui-ci vit à Londres. Nazneen ne proteste pas : elle vit dans ce qui était à l’époque le Pakistan oriental. Douce et obéissante, elle se laisse guider par son destin, au contraire de sa jeune sœur Hasina, romanesque et aventureuse. A Londres, Nazneen découvre un quadragénaire érudit mais irréaliste, gentil mais désordonné, à l’ambition démesurée, mais sans les moyens de la transformer en réalité. Femme au foyer, Nazneen fera l’expérience de la maternité, des difficultés de l’intégration quand on ne parle pas la langue du pays, de se conformer à la fois aux idéaux de son pays d’origine et à ceux de son pays d’adoption.

Monica Ali évoque dans ce roman de nombreux sujets, parmi lesquelles les mariages forcés et le contraste entre les coutumes pakistanaises et le mode de vie à l’anglaise. Nazneen ne se rebelle pas à l’idée d’un mariage forcé, et ne tombe finalement pas trop mal. Si son époux est beaucoup plus vieux qu’elle, laid et en surpoids, c’est un homme doux et attentionné pour lequel elle finira par avoir beaucoup de tendresse, à défaut d’amour. Cependant, ce n’est pas le cas de certaines de ses amies, vivant avec des hommes violents, ou extrémistes. Ce n’est qu’à trente-quatre ans que Nazneen connaîtra l’amour et l’épanouissement sexuel avec un jeune amant.

Là où le choc culturel et générationnel apparait pleinement, c’est dans la relation de Nazneen avec sa fille adolescente, qui a en horreur l’idée d’aller vivre au Bangladesh et porte jeans et minijupes comme sa mère porte le sari. La jeune fille rejette tout ce qui fait la culture de ses parents, préférant l’anglais au bengali. Cette génération, déchirée entre le poids des traditions de leurs parents et l’attrait d’un monde occidentalisé dans lequel elle a toujours vécu, parle par le biais de Shahana, la fille aînée de Nazneen. Chanu, le père, est un homme frustré : arrivé de Dacca avec un diplôme de littérature britannique en poche, il espérait gravir rapidement les échelons de l’administration. Echouant à progresser et mettant son insuccès sur le compte des préjugés racistes de ses collègues , Chanu se renferme progressivement sur lui-même et ne souhaite plus que retourner au pays. Chanu est un des personnages les plus intéressants et les plus attendrissants du livre. Très cultivé, il parle beaucoup, et tout le temps. Il s’avère finalement totalement différent de ce à quoi s’attendait le lecteur. A la fois occidentalisé mais également très épris de son pays, il est capable d’être très tendre. Nazneen, elle, est incontestablement une femme forte qui fera face à un déracinement total, aux médisances de certaines de ses voisines, au chantage, à la mort de son premier-né. Imperturbable, c’est une femme pieuse, une bonne mère et une épouse, qui se transforme subitement en femme amoureuse. Sa condition est difficile et touchante : doit-elle abandonner ses filles et son mari, qu’elle a appris à estimer, renier sa religion, pour être avec l’homme qu’elle aime ? A vous de lire pour savoir quel sera le terme de ce dilemme.

C’est donc un roman fort et pudique, tout en implicite et en ellipses : il oppose la vie londonienne de Nazneen à celle, chaotique, de sa sœur Hasina que l’on découvre grâce aux lettres que les deux sœurs échangent. Hasina est une autre femme forte : elle n’hésite pas à quitter son époux violent, et erre de place en place, où sa solitude et sa beauté lui valent malheureusement une réputation désastreuse. Hasina montrera au lecteur la vie de bien des femmes de Dacca, de celle insouciante, de sa patronne Lovely, à celle sans nom d’une de ses amies, défigurées à l’acide parce qu’elle avait caché de l’argent à son mari pour pouvoir payer une opération à son fils. Une lecture dont on ne sort pas indemne.


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