C’est chose faite avec l’adaptation du Chasseur de Richard Stark (a.k.a Donald Westlake). Classique parmi les classiques de la littérature noire, porté à deux reprises à l’écran avec Lee Marvin (Point Blank) puis Mel Gibson (Payback) dans le rôle titre, le Chasseur conte la vengeance d’un criminel trahis par ses associés et la femme qu’il aimait. Laissé pour mort, il resurgit d’entre les ténèbres pour réclamer son dû, 40000 dollars. Et quiconque se trouve en travers de sa route devra succomber.
Alors, pourquoi revenir une nouvelle fois cet archétype du Hard Boiled tant de fois ressassée que, par certains aspects, l’intrigue devient éculée ? Tout simplement pour la puissance plastique du trait et l’audace de mise en scène sous forme de bande dessinée. 13 pages muettes ou presque ouvrent le livre. 13 pages d’observation, en lignes épurées, en rehaut de lavis gris. A la quatorzième, le monde de Parker et son tempérament sont clairement définis. Il évolue, littéralement, dans un univers où le noir et le blanc n’ont aucune valeur l’un sans l’autre.
Evidemment, ce dialogue entre le noir et le blanc serait d’une sombre banalité si Cooke ne poussait pas cette interdépendance dans ces retranchements, à en extraire un style personnel. Il parvient, dans ses illustrations les plus pures, à représenter le monde en creux, ne dessinant que les ombres.
Une main va se deviner par l’ombrage des doigts porté sur une surface blanche, une fenêtre va se détache de la façade grâce à l’ombre du renfoncement. Les contours sont dès que possibles effacés et seul le contraste entre formes, leur lutte pour exister, permet de percevoir personnes et objets, distance et lumière. Le gris, lui, ne sert que l’atmosphère. D’une élégance parfaite, le Chasseur de Cooke est un aboutissement esthétique, une forme de quintessence du polar imagé.