Né en 1862 à Tourcoing, René Ghilbert, dit René Ghil, vécut à Paris de son
plus jeune âge à sa mort (1925), mais passa chaque été de longs mois à Melle en
Poitou, d’où étaient natives sa mère et son épouse.
Accueilli par Mallarmé, dès son premier volume de
poésie : Légende d’Âmes et de Sangs
(1885), suivi de la première version du Traité
du Verbe que le Maître préfaça (1886), il rompit très tôt avec lui sur la
question de l’Idéalisme, qu’il rejetait, avec autant de virulence que la poésie
« égotiste », et auquel il opposait une vaste métaphysique de la
matière en évolution vers un « Mieux », inspirée des cosmogonies
orientales autant que de la science occidentale contemporaine et, en
particulier, de Darwin, dont L’Origine
des Espèces avait paru en français en 1862.
Conformément à cette « Métaphysique émue », il élabora une exigeante
théorie de l’ « Instrumentation verbale », basée sur un sensualisme
linguistique inspiré aussi bien des théories sur le langage de Rousseau (Essai sur l’Origine des Langues, 1781)
que des recherches récentes en acoustique et en phonétique expérimentales
(Helmholtz, Théorie physiologique de la
Musique, traduite en français en 1868). Sa pensée se creusant et se
précisant, il fera paraître En Méthode à
l’Œuvre (1891, 1904), puis De la
Poésie Scientifique (1909) et La
Tradition de Poésie-scientifique (1920).
En 1889, paraît le volume inaugural de ce qui sera l’Œuvre de toute sa vie, divisée en trois grandes parties : — Dire du Mieux (achevé de publier en
1909) ; — Dire des Sangs (achevé de publier en 1926) ; — Dire de la Loi (dont
seulement trois poèmes ont été écrits). C’est une vaste épopée de la Matière en
marche vers son « plus-de-Conscience » — le « Mieux » — à
travers l’Évolution des êtres vivants et l’histoire de l’humanité, depuis les
origines de l’univers jusqu’à la prochaine « guerre européenne »
(celle qui éclatera en 1914) dont il décrit, dès 1897, les causes historiques
et les effets dévastateurs. On y lit en particulier de puissantes évocations
des ravages humains, moraux et sociaux, causés par l’extension rapide du
capitalisme industriel et boursier, tant dans les campagnes (exode rural) que
dans les villes (prolétariat).
Composé en marge de l’Œuvre, Le Pantoun des Pantoun (1902) est un
long poème d’un lyrisme à la fois complexe et délicat, où l’exotisme oriental
et insulaire se mêle à l’évocation de la rêverie amoureuse. Avant sa mort (le 15 septembre 1925), il
avait eu le temps de faire paraître, en 1923, Les Dates et les Œuvres, volume de souvenirs à forte teneur — et saveur
— polémique et auto-justificatrice, en définitive fort agréable et passionnant,
pour qui s’intéresse à l’époque, ou à son auteur.
Bibliographie
Éditions complètes ou anthologiques :
Choix de Poèmes de René Ghil
[présentation : Gabriel Brunet, Noël Bureau, Paul Jamati], Messein, 1928
Œuvres complètes [trois volumes],
Messein, 1938
Le Vœu de Vivre et autres Poèmes [choix
de textes, préface, bio-bibliographie : Jean-Pierre Bobillot + CD Chant dans l’Espace, poèmes lus par RG
et JPB], Presses Universitaires de Rennes, 2004
De la Poésie scientifique et autres
écrits [choix de textes, annotation, préface, bio-bibliographie :
JPB], Ellug, Grenoble, 2008
Bibliographie
critique (sélective) :
Rythme et Synthèse [numéro spécial «
Hommage à René Ghil »], 1926
Robert Montal, René Ghil : du Symbolisme à la Poésie cosmique, Labor,
Bruxelles, 1962
Mathieu Bénézet, « L’extrême extrémité de René Ghil », Histoires littéraires n°10, 2002
Gérard Farasse, « René Ghil par intermittence », nord’ n°40 [dossier RG], 2002
Guy Ducrey, « René Ghil et le rythme de la danse », ibid.
Pascale Rougé, « L’Origine du monde », ibid.
Anne Tomiche, « “Instrumentation verbale” et inscription du matériau
sonore dans l’écrit : de René Ghil aux avant-gardes », ibid.
Nicolas Chazel, René Ghil : du mètre au
non-mètre [mémoire de DEA], Université Stendhal Grenoble-III, 2003
Jean-Pierre Bobillot, « René Ghil et le dépassement des dualismes :
un matérialisme métaphysique », et « Avant le futurisme : René
Ghil, les Hydropathes, les Incohérents… » [cours enregistrés des 21 mars
2006 et 7 mars 2007, à l’Université populaire de Lyon], http://uplyon.free.fr, 2006, 2007
Jean-Pierre Bobillot, « René
Ghil : celui qui a dit non à Mallarmé http://www.sitaudis.com, 2007
Fiche compose par Jean-Pierre Bobillot