L’exposition ‘Incidents maîtrisés’ à l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux (jusqu’au 5 juin), tout en s’inscrivant dans l’esprit du lieu (où est conservée, dans l’immeuble moderne voisin du château, la donation Gottfried Honegger*), fait la part belle au hasard, aux accidents, à l’abandon et à la perte de maîtrise, à l’expérimentation et au rééquilibrage. Parfois l’artiste laisse la matière prendre le dessus : ainsi Cédric Teisseire, dans “Alias…Siamois”, laisse-t-il son bel arrangement géométrique de bandes de couleurs verticales, tracées par la pesanteur seule, bien rangées côte à côte, se
fondre dans un magma informe lorsque la couleur passe de la toile au plastique et que l’ensemble est plié en son centre : l’ordre laisse place au désordre, à la fusion, à l’indompté. De plus l’accident non planifié intervient car la peinture encore liquide, encore vivante (comme chez Leroy), descend encore, gravite vers le sol, coule sur les bandes inférieures et finit par faire des filaments improbables attachés au bas de la toile ou des petits tas au sol, débris, vestiges dont on ne sait plus que faire, ni même comment les regarder. D’autres toiles de Teisseire (difficiles à reproduire en photo;
détail ci-contre) comme “Saw City Destroyed Same” (un titre nagasakien) montre des plis et des drapés imprimés dans la laque industrielle qui recouvre la toile, comme une Ninfa Moderna, toile blanche comme un miroir (et dont l’avers est peint d’un rose fluorescent qui la fait flotter sur la cimaise), avec, en bas, une poche de peinture accumulée dont on s’attend qu’elle éclate à tout moment. Cédric Teisseire intervient aussi à la Médiathèque de Mouans-Sartoux, mais je n’ai pu y passer (photos ici; n° 35 à 39).
Cette victoire de la matière sur l’acte du peintre se retrouve aussi dans les photographies d’Allisson Rossiter, qui développe des films vierges périmés et y révèle des accidents chimiques aléatoires, improbables et poétiques (au fond de la photo n°5 ci-dessous) et dans les toiles légèrement trapézoïdales de Joseph Marioni.
![Roland Fexner Bubble a-bubble451.1299171321.jpg](https://media.paperblog.fr/i/422/4222911/taches-coulures-eclaboussures-L-BH3uhh.jpeg)
![Dominique Figarella Allison Rossiter vue d'expo a-figarella_1.1299171304.jpg](https://media.paperblog.fr/i/422/4222911/taches-coulures-eclaboussures-L-xUgA0H.jpeg)
![Aurélie Godard un faible degré de dessein a-godard.1299171258.jpg](https://media.paperblog.fr/i/422/4222911/taches-coulures-eclaboussures-L-VdrmKJ.jpeg)
Voyage à l’invitation de l’EAC.
* où on peut voir le travail très conceptuel d’Emmanuel et surtout de Jean-François Dubreuil, décodant des pages de journaux pour en faire de grandes compositions géométriques colorées.
** par coïncidence, vu tout à l’heure à Pompidou lors de la conférence de Clément Chéroux “la photographie de la pensée”, un photogramme de marc de café du photomancien Commandant Darget, de 1896, à la troublante ressemblance avec l’empreinte de ces bulles encrées.
Photos 1, 5 et 6 courtoisie de l’EAC; photo 2 de l’auteur; photo 3 provenant du site de l’EAC; photo 4 provenant du site de l’artiste.
Photo 1 : Cédric Teisseire, Alias… Siamois, (1/11), 2011 ; Collection de l’artiste. Carissa Rodriguez, Standing O, 2009 ; Collection de l’artiste. © eac – estelle épinette. Photo 5 : Dominique Figarella, Document (1), 2004 ; Inv.: 05PRP0793 Collection du Fonds régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon. Alison Rossiter, Fuji, exact expiration date unknown, circa 1930’s, Processed 2009; Collection privée. © eac – estelle épinette; Photo 6 : Aurélie Godard, Un faible degré de dess(e)in, 2009- 2011 ; Production de l’artiste. © eac – estelle épinette