La Petite chambre, c'est le titre du premier film de Stéphanie Chuat et de Véronique Reymond qui sont amies d'enfance depuis l'âge de dix ans, et unies par l'expérience du théâtre avant de glisser vers le cinéma, en réponse à un appel à projet lancé par la télévision suisse romande.
Elles ont grandi en Suisse et ont brutalement pris conscience du vieillissement de la population. Elles se sont attelées à ce sujet délicat qu'elles traitent avec sensibilité, parfois même avec légèreté et sans aucune mièvrerie. Vous pouvez aller voir leur film sans vos mouchoirs et je vous garantie que vous ressortirez de la salle sans avoir perdu le moral.
Parce que le scénario tricote une double aventure apparemment antinomique : l'acceptation de ses limites et le dépassement de soi. Edmond refuse d'entrer en maison de retraite, mais s'oppose aussi aux soins d'une infirmière à domicile. Il est dans une révolte comparable à celle d'un ado : faites-moi pas croire que la vie est belle !
Son infirmière a ses fantômes. La jeune femme vient de reprendre son travail après un long congé de maladie consécutif à la perte de son bébé mort-né. Sa sensibilité l'amène à prendre des risques, quitte à se situer hors-la-loi par rapport à son éthique professionnelle, et à entendre la sentence de sa supérieure hiérarchique : vous êtes inadéquate ! car en Suisse, les infirmières n'ont pas le droit de faire de la présence, rôle dévolu aux bénévoles de la Croix Rouge.
Ces deux rebelles vont se rencontrer, s'accepter et s'entraider pour domestiquer leurs démons intérieurs. C'est une histoire d'amour, d'amitié, de filiation et de transmission. On peut trouver une résonance avec le Grand chemin, le film réalisé en 1987 par Jean-Louis Hubert avec Anémone et Richard Bohringer.
Le film doit beaucoup aux acteurs. On imagine facilement ce qu'un Philippe Noiret ou un Jean-Claude Brialy auraient fait du rôle d'Edmond. Ils sont partis alors que le scénario était à l'écriture. Michel Bouquet a été contacté sans grand espoir parce que le comédien avait la réputation de ne pas vouloir faire de cinéma. Il a pourtant vite accepté un entretien au cours duquel il incarnait déjà le personnage. Florence Loiret Caille était la belle-fille de Michel Auteuil dans Je l'aimais de Zabou Breitman (2009), la réceptionniste de Parlez-moi de la pluie réalisé par Agnès Jaoui en 2008. Elle se révèle complètement dans la Petite chambre où elle a enfin un rôle de premier plan.
J'ai vu le film il y a quelques jours, au Rex de Chatenay-Malabry qui avait invité Stéphanie Chuat et son distributeur. Quelques éclairages ont été donnés aux spectateurs qui avaient beaucoup de questions pour la réalisatrice. Notamment sur la fin du film qui pour elle coïncide avec le moment où Edmond a accompli sa mission à propos de la jeune femme.
Le public a l'œil exercé. Il voit le panneau Exit et se demande s'il y a un indice caché avec le nom de l'association qui en Suisse traite de la fin de vie, en toute légalité dans ce pays. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une fiction.
Les décors sont par contre très réalistes. La maison de retraite est une véritable institution. Il n'y a eu besoin de faire aucune correction de décor ( sauf de retirer les écrans de télévision). Les résidents sont de vrais pensionnaires, pas des comédiens et cela se sent.
Les deux réalisatrices ont travaillé de concert, en partageant les mêmes points de vue. Par contre Stéphanie Chuat reconnait qu'au montage elles ont eu des interrogations et des discussions, par exemple sur la longueur d'un plan comme celui du repas dont la durée, au final, est parfaitement juste. Marie-Hélène Dozo, la monteuse réputée des Frères Dardenne, est intervenue plusieurs jours pour apporter son expertise à cette étape cruciale qu'est le montage.
La sortie nationale du film se fait sur près de 150 villes et on commence à en entendre beaucoup parler. Ce n'est que justice.
Le parallèle est évident avec la Dernière leçon, le livre de Noëlle Chatelet, mis en scène par Gérald Chatelain et que j'ai vu au début du mois au Théâtre des Sources de Fontenay-aux-roses (92). J'avais eu l'occasion de m'entretenir avec le metteur en scène et le spectacle a correspondu à ce qu'il avait annoncé. Catherine Rétoré est lumineuse dans le rôle de cette femme qui décide en toute lucidité de se donner la mort avant que la vie ne soit tout bonnement plus vivable, même si comme le dit le personnage le danger du trop tard oblige peut-être à partir trop tôt.
On peut encore voir ce spectacle sur la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne le 2 avril 2011
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Pour suivre l'actualité du Rex consulter le site du cinéma. Des débats et des rencontres y sont régulièrement programmés.