Rédigé parAdrien Aszerman, le lundi 28 février 2011 à 17h35
Dans le décors noir d’un Paris climatiquement déréglé, quatre personnages aux destins intimement liés se perdent dans les méandres de leurs vies.
Anna d’abord, belle et sage, femme au foyer asservie aux caprices de son concubin, Freddy. Ce dernier, obnubilé par les femmes et l’argent a pour meilleur ami Cortès, éternel adolescent fauché et amoureux d’Anna qu’il désire à tout prix. Et enfin Vanessa, soeur de Cortès, prise de passion pour le body bulding après avoir réchappé d’un accident de voiture, que l’on voit progressivement sombrer dans une inextricable folie.
Pris en tenaille entre un quotidien routinier et leurs désirs de changement, chacun se dirige vers une inexorable perte de lui-même.
Place centrale de l’intrigue, Les Champs de Paris est un bar découvert par Vanessa, où Freddy et Cortès ont pris leurs habitudes. Chaque mois des habitués passent derrière un rideau étroitement surveillé par un cerbère en muscles. On ne découvre le secret du lieu qu’à la fin de l’ouvrage, au comble de l’horreur.
Le malaise ambiant, palpable dès les premières pages, ne va que s’accentuant tout du long. Entre canicule et grêle sur les rues de la capitale en plein été, chacun cherche une échappatoire à son enfermement.
Avec une écriture enlevée, dans un style direct et efficace Yann Suty, qui signe là son second roman, nous mène avec brio dans les méandres d’un univers surréaliste, où l’on se perd rapidement, happé par la noirceur des scènes qui se déroulent sous nos yeux de lecteur impuissant.
Un parfum de châtiment biblique flotte tout au long de l’intrigue de ce roman noir, qui évoque à la fois dans sa trame la plume d’un Leonard Michaels ou des classiques récents du cinéma américain (on pense notamment à Seven ou The Road). Tous les repères de moralité s’estompent peu à peu, jusqu’à la légitimation d’un viol défini comme l’aboutissement courageux d’un désir amoureux.
Un univers où tout est malaise et enfermement, jusqu’au basculement décisif et sans retour. Seule Anna semblera trouver un semblant de résurrection - hors de Paris - face à la déperdition des trois autres protagonistes, quand Freddy basculera dans une inhumanité absolue.
Un texte précis, efficace, tout autant que violent et destructurant. A lire le coeur bien accroché.
Source : http://www.actualitte.com/dossiers/1313-champs-paris-yann-suty-stock.htm