Pierre Duhamel est journaliste depuis plus de 30 ans. Il observe de près et commente l’actualité économique québécoise depuis 1986. Il possède son blogue et écrit également sur le site de L’actualité. Nous reprenons avec autorisation son billet qui a été initialement publié sur L’actualité. Nous vous invitons également à lire ses autres articles traitant le domaine de la technologie.
Steve Jobs présentait mercredi le nouveau iPad 2. Apple a vendu 15 millions d’exemplaires de la première génération en 2010 et accaparé 90 % du marché mondial des tablettes numériques. Alors que Motorola, Samsung, Dell, RIM et les autres commencent à prendre le marché d’assaut, Apple vient de mettre la barre encore plus haut.
Il y a plusieurs raisons qui expliquent la domination d’Apple. Être le premier sur le marché – presqu’un an avant tout le monde, – lui confère évidemment un avantage concurrentiel majeur. L’histoire nous a néanmoins appris qu’il ne suffit pas d’être le premier pour gagner. Apple l’a prouvé en perdant la bataille des PC et en gagnant, plusieurs années plus tard, celle de l’iPod. Cela n’explique surtout pas pourquoi Apple a pu arriver premier et s’y maintenir.
Est-ce le marketing ? Certes, Apple est un maître dans ce domaine. Est-ce le design et le soin apporté à l’apparence de ses produits ? Vrai, les produits d’Apple sont toujours très élégants. Le succès d’Apple s’explique-t-il par la performance de ses systèmes d’exploitation et logiciels et au grand nombre d’applications qui sont disponible ? Peut-être, mais d’autres systèmes et logiciels sont très solides et le marché des applications est en forte hausse partout. Est-ce parce que son PDG est un perfectionniste intransigeant qui pousse constamment ses équipes ? Bien sûr, mais Steve Jobs n’est pas le seul patron intraitable.
Tous ces facteurs contribuent au succès d’Apple, mais je pense que ce qui fait la différence ultime, c’est la chaîne d’approvisionnement.
Disons que vous êtes un concurrent d’Apple et que vous lancez une tablette numérique. Il va falloir vous trouver un processeur double coeur (dual core) très performant et très rapide. Vous aurez aussi besoin d’un logiciel d’exploitation, probablement le Android Honeycomb, de Google. Hélas, vous n’êtes pas le seul au monde à y avoir pensé. Vous voudrez vous distinguer en ajoutant quelques attributs uniques. Quand le tout sera assemblé, vous aurez entre les mains un très bon produit. Sauf que vous serez un manufacturier de tablette numérique de plus propulsé par Android 3.0
Chez Apple, les choses sont plus simples dès le départ. Apple est à la fois un fabricants de produits et une entreprise de logiciels. Elle est aussi verticalement intégrée. Pour le iPad, elle compte sur son propre processeur double coeur (A5), son propre système d’exploitation, le iOS 4.3, sa propre plateforme de téléchargements, ses propres logiciels et ses magasins d’applications, de musique et de livres. La batterie, la coque et l’écran tactile sont les mêmes pour tous les iPad, ce qui permet des économies d’échelle auprès de ses fournisseurs et une cohérence totale dans le produit. Toutes les pièces et les logiciels sont conçus pour fonctionner ensemble. Sans compter ses propres magasins physiques, ce qui lui permet d’accroître sa marge bénéficiaire.
Voilà pourquoi Apple maintient une longueur d’avance et pourquoi aucun de ses concurrents n’est capable de vendre une tablette moins cher que les 499 dollars du modèle de base de l’iPad. Google empoche des redevances des fabricants alors que Apple empoche le magot.
Les mêmes raisons qui expliquent pourquoi Apple a été déclassée par Microsoft et les PC jouent cette fois pour l’entreprise de Cupertino. La différence ? Contrairement aux PC de 1990, les téléphones intelligents et les tablettes numérique ne sont pas des produits génériques. Ils se démarquent par leur performance, leur convivialité, leur style et l’éco-système auxquels ils sont reliés. Ce qui marginalisait Apple il y a 20 ans, lui a redonné vie et en a fait l’entreprise la plus innovatrice et la deuxième plus valorisée en Bourse.