Le Sabre des Takeda (Fû Rin Ka Zan)
de Yasushi INOUE
1955 - Picquier, 2006 (trad.française)
L'histoire :
Contre toute adversité, Kansuke s'accroche à son rêve : hisser haut la bannière des Takeda, qui porte la devise de Sun Tzu : rapide comme le vent (Fû), silencieux comme la forêt (Rin), dévorant comme le feu (Ka), impassible comme la montagne (Zan). Et s'il le faut, pour cela, donner sa vie.
Fiction ou réalité?
Le Sabre des Takeda est un roman historique très populaire de Yasushi Inoue, qui fut également l'auteur de plusieurs récits ou biographies (de Confucius, de Gengis Khan). Il nous plonge dans un épisode très célèbre de l'histoire japonaise : la rivalité entre Shingen Takeda et Kenshin Uesugi au 16ème siècle, deux chefs de guerre dont les armées se sont affrontées à cinq reprises, sur le champ de bataille de Kawanakajima, ni l'un ni l'autre n'obtenant définitivement la victoire.
Shingen fit du clan Takeda un des plus puissants de l'époque, et il aurait bien pu unir le Japon sous sa bannière, s'il n'était décédé prématurément, en pleine campagne contre Nobunaga et Tokugawa, et sur le point des les battre. Comme souvent avec les grands conquérants, "l'empire" Takeda ne lui survécut pas, notamment à cause de l'incompétence de son fils et successeur. Le clan Takeda fut vaincu, et c'est Tokugawa qui entra dans l'histoire comme unificateur des provinces japonaises. La légende veut qu'apprenant la mort de Shingen, Kenshin ait pleuré, regrettant son ennemi le plus valeureux.
Cette histoire est celle que retient la tradition, mais les historiens discutent de sa véracité. Certains doutent même que Kansuke ait réellement existé. Mais peu importe : le Kansuke du roman est aussi vivant et vrai que peut l'être un être de papier. Le récit prend la forme d'une fresque, qui s'étale sur plus de 10 ans, l'auteur ne s'arrêtant qu'à certains épisodes clés, mettant en lumière le rôle de Kansuke dans l'ascension du clan Takeda.
Ainsi construit, le récit se présente comme un lent crescendo vers une apothéose, une fin de légende, qui laisse enfin à Kansuke le droit d'entrer, lui aussi, dans l'histoire. Le personnage de Kansuke, qu'il soit réel ou fictif, a définitivement frappé l'imaginaire japonais, et on peut le rencontrer dans les récits, les images, les estampes, et aujourd'hui le roman, le cinéma ou la télévision. Si Shingen est le héros de plusieurs films, dont le grandiose Kagemusha, d'Akira Kurosawa, Kansuke a lui aussi eu l'honneur d'être incarné à l'écran, notamment par le célèbre acteur Toshiro Mifune, dans le film Fûrinkazan (en anglais : Samuraï Banners - cf. image ci-dessous), et plus récemment, dans deux taiga drama de la chaîne NHK. Kansuke fait également son apparition dans des jeux vidéo, en particulier Civilization IV.
En revanche, plus curieusement, aucun anime ni manga n'a encore pris possession de ce personnage si charismatique. J'imagine pourtant avec envie ce qu'un Hirata, ou un Ishinomori auraient pu en faire. La lecture du roman d'Inoue s'apparente d'ailleurs, pour moi, à celle d'un manga. Rythmé, percutant et sans fioritures, les scènes d'anthologie ou d'introspection se succèdent sans temps mort, et ce Sabre des Takeda se dévore littéralement, page après page. Avec une pointe de regret, le livre refermé : que l'histoire s'arrête là. J'aurais voulu qu'elle continue encore et encore, au-delà de ce qu'une vie d'homme, fut-elle celle d'un héros de soixante ans, est capable d'accomplir. Kansuke, qu'il ait existé ou non, est vivant. Rencontrez-le.
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