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Sarkozy ressort l'identité catholique, ses ministres rament.

Publié le 03 mars 2011 par Letombe
Sarkozy ressort l'identité catholique, ses ministres rament.

Il est allé chez le coiffeur. Il fallait être beau. Nicolas Sarkozy se déplace aujourd'hui au Puy-en-Velay. Le candidat choisit ses lieux et ses thèmes. Il parlera patrimoine chrétien. La ficelle est grosse. Après les agriculteurs, il faut continuer de servir l'électorat dit catholique échaudé par la chasse aux Roms de l'été dernier. Il faut aussi récupérer le débat sur l'Islam et la laïcité.
Après une première séance de questions d'actualité à l'Assemblée et un premier conseil de son gouvernement remanié, ses ministres patinent, la vie reprend.
Ministres... ou pas
Il fallait le consoler. Dimanche, Brice Hortefeux a été emporté par le remaniement « MAM » comme Christian Blanc partit avec le wagon Joyandet en juillet dernier : par surprise. Depuis, on explique que Nicolas Sarkozy se devait de faire le ménage jusqu'au bout, et se débarrasser d'un ami et ministre encombrant depuis ses affaires judiciaires. Lundi soir, le collaborateur déchu eut droit aux honneurs d'un dîner avec Nicolas et Carla. Maigre lot de consolation. « Sarkozy s'arrache un bras ! » s'est écrié la journaliste Anna Cabana pour le Point.  Le sacrifice est en effet important.
Michèle Alliot-Marie va s'épancher, elle l'a promis mardi soir sur France 2. Bizarrement, elle l'aurait pu déjà le faire ce soir-là. Elle n'était plus ministre. « J'ai sans doute des choses à dire en tout cas, j'ai bien l'intention de les dire. Et comme je ne serai plus tenue à la langue diplomatique que l'on doit parfois avoir dans les ministères régaliens, eh bien, on va m'entendre ! »
Dans l'après-midi, les nouveaux ministres, comme les anciens, subissaient leur première séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. On pressent de prochaines bourdes.  Ainsi le nouveau ministre de l'intérieur, ancien grand vizir de l'Elysée, s'est-il permis d'expliquer quelques jolies inexactitudes. « J'entends dire et redire, répéter, que notre politique de sécurité serait un échec
les chiffres, eux, ne mentent pas. (...) Il y a aujourd'hui 4 500 (policiers et gendarmes) de plus qu'il y en avait en 2002 » pour justifier que les effectifs de police et de gendarmerie n'avaient pas baissé depuis 2007.
Admettons, ce qui est faux, que les effectifs des forces de l'ordre n'aient pas baissé depuis 2007. Guéant nous explique donc qu'il y a 4.500 policiers ou gendarmes de plus qu'en 2002. Sur la période, la population française a augmenté de 5%. Et les atteintes aux personnes de 22% ! Claude Guéant, ce mardi, racontait donc n'importe quoi. Ça commence bien.
Précarité... chut !
Mardi,  le candidat Sarkozy avait voulu faire croire à de nouvelles mesures en faveur de l'emploi. On avait compris qu'il s'agissait de fausses annonces. Justement, le lendemain, pôle emploi publiait quelques nouveaux chiffres.
Fin janvier, quelques 2,56 millions de personnes sans emploi étaient indemnisées, pour partie par pôle emploi au titre de l'assurance chômage (2,124 millions, soit 49% des inscrits), et pour partie par l'Etat (435.400 fin de droits) au titre de la solidarité. En un an, ce nombre a progressé de 2,5%... seulement. Le nombre d'inscrits à pôle emploi a cru de 4,4% sur la même période. L'évolution du nombre de fin de droits indemnisés est tout aussi inquiétante : ils étaient 460.000 en décembre 2009 pour tomber à 435.400 un an plus tard.
Mercredi, Nicolas Sarkozy tenait son premier conseil des ministres avec son gouvernement « remanié.» Guéant est sorti discrètement. L'ancien homme de l'ombre n'aime pas les prises de paroles non encadrées. Gérard Longuet, qui attendait son strapontin depuis 17 ans, fut beaucoup plus prolixe. Il savourait son moment, oubliant les consignes présidentielles de discrétion de l'automne dernier. « Les ministres n'ont que des devoirs, le Premier ministre en a encore plus, le président a tous les devoirs » a déclaré le candidat Sarkozy. Quelle formule !
Justice... plus tard
Lors du conseil, Michel Mercier, le si discret Garde des Sceaux, expliqua à ses collègues les réformes en cours en matière de justice. Evidemment, il commença par le meurtre de la jeune Laëtitia Perrais. On n'abandonne pas un hochet électoraliste comme ça ! Le ministre rappela « l'arsenal législatif très complet pour prévenir la récidive » (loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; loi du 10 août 2007 avec les peines plancher ; loi du 25 février 2008 qui crée la rétention de sûreté ; loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle qui complète ces dispositions ; et la fameuse Loppsi II)... pour conclure d'une laconique : « Il n’est donc pas nécessaire d’adopter une nouvelle loi.» Nicolas Sarkozy, il y a 6 semaines, réclamait publiquement l'inverse. Une volte-face de plus, sous la pression, désormais officialisée en conseil des ministres. Mercier rappela plutôt les mesures ponctuelles décidées après-coup pour améliorer le suivi judiciaire, tout en promettant, sans chiffres, que « Des moyens supplémentaires seront alloués à la chaîne pénale, pour mettre en place ces mesures. » 4 semaines après la fronde magistrale de cette fameuse chaîne pénale, on attend toujours ...
Le Garde des Sceaux évoqua aussi la future nouvelle grande réforme de l'année... l'introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnelles. Cette réforme «  permet de renforcer le lien entre l’institution judiciaire et nos concitoyens.» Elle devra permettre que « des jurés assesseurs s’ajouteraient à la formation de jugement du tribunal correctionnel, et, en appel, de la chambre correctionnelle de la cour d’appel, qui seraient ainsi composées de juges professionnels et de citoyens.» La Sarkofrance n'a même plus assez d'argent à consacrer à la justice pour payer les jurés d'assises...
En campagne, toujours
Ce jeudi, Nicolas Sarkozy se rend au Puy-en-Velay, dont le maire n'est autre que son ministre (cumulard) Laurent Wauquiez. Une manifestation contre sa venue avait prévue dès 11 heures et l'arrivée du Monarque. Mais le parcours de sa visite a été sécurisé. Impossible d'approcher le candidat, sauf au pied de la fontaine des choristes, vers 10h30.
Le déplacement expresse - 3 heures au mieux -  est placé sous le thème de « l’héritage patrimonial de la France.» Identité nationale, identité agricole, identité française, héritage patrimonial ou culturel... on se creuse les méninge, à l'Elysée, pour thématiser ces visites aux relents frontistes. Avec le Puy, il démarre son « Tour de France des terroirs ». Le programme est assez explicite : « Le chef de l'État visitera la cathédrale du Puy-en-Velay, son baptistère et son cloître, puis le chantier d'aménagement de l'Hôtel-Dieu. Il prononcera ensuite un discours au conseil général de la Haute-Loire à l'occasion duquel il reviendra sur les actions engagées pour préserver et valoriser le patrimoine architectural de la France et évoquera son importance pour la perpétuation de notre héritage culturel.» Après le débat lancé le 10 février dernier sur l'Islam de France, critiqué par de nombreux responsables de la « majorité » jusqu'à François Fillon lui-même, le candidat Sarky va tenter de rebondir sur le terrain identitaire. Le scrutin approche, la rivale Marine est à 20% dans les sondages et lui à 65% d'impopularité... Il fut riposter.
Comme le rappelait le quotidien d'obédience catholique La Croix ce mercredi, ce rappel programmé à « l’histoire de France dans un des hauts lieux du catholicisme français » n'est pas un hasard. Déjà, « l'entourage du président » (comprenez Franck Louvrier et Henri Guaino) prévenaient que le candidat « ne pourra faire autrement que d’évoquer les racines chrétiennes » de la France et « d’assumer l’héritage de civilisation que représente la chrétienté. » Le 15 août dernier, de cette même cathédrale du Puy-en-Velay dans laquelle Nicolas Sarkozy entrera « à pied » (précise le communiqué), le cardinal André Vingt-Trois avait lancé l'une des premières critiques de la communauté catholique à l'égard de la chasse au Roms déclenchée par le Monarque depuis juillet. Après sa visite au Vatican, à la rentrée dernière, le candidat Sarkozy vient à nouveau faire pénitence devant l'électorat catholique. Gageons que ce dernier n'est pas si amnésique...
Au Puy, on sera curieux d'entendre l'avis de Nicolas Sarkozy sur les processions catholiques. Le Puy est l'un des points de départ historiques des pèlerinages vers Saint-Jacques de Compostelle. Prières de rue contre processions de campagne ? Quel débat ! Le maire Wauquiez a rappelé que la France devait assumer « assumer son identité, son histoire et ses racines chrétiennes. (...) Ce sera sans doute le sens du message du déplacement du président de la République, dans la ville du Puy, point de départ de Saint-Jacques de Compostelle. »
Nicolas Sarkozy, sous l'ombre de Saint-Jacques de Compostelle...
Pour gagner en 2012, tout est possible.

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