Poezibao publie aujourd’hui une note de lecture de Matthieu Gosztola sur le livre Été II de Bernard Chambaz, paru il y a quelques mois chez Flammarion.
(séquence 620)
la nuit nous avons traversé
en train
ta minuscule république
toi fils des huns descendu de l’altaï
qui as choisi
pour mettre au bas de tes poèmes
ce nom
aïgui
« celui-là même »
qui va avec les roses-neiges et les bouleaux-fleurs
de ce pays-clairière
où se taisent les anges
et les
mendiants
(séquence 686)
cent dix mille phoques sont tristes
. . .
car leurs yeux sont humains
et il en fut tué en si grand nombre que
velimir vladimirovitch khlebnikov
s’en attriste
à l’époque de la guerre des révolutions de février et d’octobre
pourquoi pas
il n’y a pas que les oiseaux
kalmouks
et les bolcheviks dans la vie
(séquence 687)
y revenir
aller de l’autre côté
vers ulan-ude
vers la république bouriate vers le delta vers les montagnes
un été
pour les fleurs
violettes et en février
quand le lac sera gelé et que je pourrai
m’asseoir dessus faire un trou et pêcher des poissons
(séquence 688)
pour moi aussi tout est épithète, ajoutée par expérience ou intuition, destinée à qualifier ce que je vois (le lac gelé), ce que je devine (les fleurs violettes) ce que je présume (la tristesse des phoques), mais épithète a minima.
(séquence 700)
à quel futur se fier, aucun, ou alors tout est bon comme chez khlebnikov, adossé aux nombres et aux papillons, sa volonté de tracer une route sous-marine aux murs de verre qui réunirait les deux rives de la volga, son projet de monter dans un bloc de verre de métal et de pensée qu’il nomme courvolplongeur afin d’étudier les visages des hirondelles et des mouettes, l’idée que la poésie tient du sortilège d’amstramgram et qu’elle est aussi simple à comprendre qu’une enseigne dans la rue
pareil aïgui, adossé au bouleau au champ d’avoine au framboisier dans le crépuscule au violon aux bibliothèques, acéré, aérien, accompagnant les prés quand ils montent aux cieux et les étoiles quand elles descendent au milieu d’une clairière, ardent, disparaissant en sommeil en mort en framboisier, reparaissant avec les suprêmes qui permettent de voir comme du ciel, montrant la voie par un dernier cercle au-dessus de la volga
me donnant l’accolade, à moi, adossé à notre petit m-pêcheur, adossé au vieux monde, assis à regret pour remplir d’un beau nom ce grand espace vide puisque
C’est
la mort
qui l’emporte
sur le mot
Bernard Chambaz, Été II, Flammarion, 2010, pp. 71, 103, 104, 109
Bernard Chambaz dans Poezibao :
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